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M. Villaret ! On se dit : Nous ouvrirons la campagne au printemps prochain, et tant bien que mal on met en avant sa troupe ordinaire, dont on n’a pas le temps de réparer les brèches. Allez donc lestement à la chasse aux ténors lorsqu’il s’agit de dresser de pareilles catapultes. L’Opéra travaille, mais en dedans et sans que son action se manifeste. On a donné hier Robert le Diable avec M. Morère : c’était fort triste, d’accord ; mais vous verrez comme M. Faure est beau dans Hamlet, comme il chante sa romance :

……….. To die, to sleep !
To sleep ! perchance to dream !……


Et comme c’est facile, en ayant un tel baryton, de se passer de ténor ! Avoir laissé partir M. Naudin, quelle faute ! grâce à lui du moins, on eût évité tant de mauvaises représentations qui se succèdent. Il importe donc aux plus chers intérêts de ce théâtre, le premier de tous, quand il veut, de recouvrer au plus tôt son entière liberté d’esprit que ce fou d’Hamlet lui fait perdre, Il faut que la montagne accouche et qu’on passe à d’autres soucis.


F. DE LAGENEVAIS.


ESSAIS ET NOTICES.

La Comtesse de Chalis, par M. FEYDEAU.


Nous ne sommes pas si loin de la publication de la Comtesse de Chalis, qu’il n’y ait encore de l’intérêt à essayer de peser ce roman à sa juste valeur, et quelque enseignement à tirer de cet exemple d’un écrivain qui s’abuse de plus en plus, ce semble, sur le degré de complaisance du public. M. Feydeau a voulu visiblement, dans ce dernier ouvrage, stigmatiser les mœurs du jour ; il a voulu nous inspirer une sainte horreur pour les excès d’une civilisation luxueuse et raffinée, en nous en faisant respirer les parfums irritans, déguster les ingrédiens corrosifs. Et qui nous introduit, qui nous guide dans ce monde de la richesse et du plaisir ? C’est un jeune professeur, un normalien, M. Charles Kerouan, lequel va nous faire le récit de ses malheureuses amours. Saluons en ce personnage le seul caractère du roman dont M. Feydeau puisse sérieusement revendiquer l’invention. Pour Mme de Chalis, la grande dame qui roule de légèretés en vices et de licence en dérèglement chronique, pour le prince Titiane, le mauvais génie de la comtesse, pour Florence, la courtisane de haut parage, ce sont de vieilles connaissances. Sans doute c’était le droit de M. Feydeau d’utiliser pour la circonstance les plus étranges des excentricités, les plus scandaleuses des anecdotes qui défraient les conversations d’un certain monde et le dilettantisme d’une certaine presse ; mais n’était-ce pas un peu son devoir d’écrivain de tirer