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chacun d’eux est arrivé à destination à heure fixe, sans avarie, comme s’il eût eu pour lui seul pendant tout le parcours une voie absolument spéciale. Il l’avait en effet, puisqu’en lui assurant ses heures de départ, de passage et d’arrivée, on lui avait fait la route libre.

Tout voyage de train exige un travail préliminaire, c’est ce que l’on nomme le tracé de la marche, ou, en langage administratif, le graphique. Lorsqu’on voit un graphique pour la première fois, on n’y comprend rien. C’est un entre-croisement de lignes qui paraissent inextricables et tout à fait arbitraires ; mais, dès qu’on en a la clé, la lumière se fait, l’enchevêtrement se débrouille, et l’on reste étonné de la simplicité du procédé. Une feuille de papier est partagée verticalement en autant de traits qu’il y a d’heures de départ dans la journée ; chaque heure est divisée en six parties égales dont chacune équivaut à dix minutes. Les lignes verticales représentent donc le temps. Elles sont croisées par des lignes horizontales qui, figurant les distances, sont aussi nombreuses que les stations du parcours. En face de chacune de ces dernières lignes, le nom de la station est écrit, comme le chiffre de l’heure est placé au-dessus des premières : le temps et la distance étant donnés, tout devient facile. Pour figurer, par exemple, la marche du train qui, partant de Paris à 7 h. 1/2 du matin, arrive à Versailles à 8 h. 22 m., on trace une ligne qui prend naissance à la troisième des six divisions marquées entre les lignes verticales de 7 et 8 heures, sur la ligne horizontale intitulée Paris, et on la conduit un peu au-delà de la deuxième division verticale, entre 8 et 9 heures, au trait horizontal correspondant à Versailles. Si le trajet était direct, la ligne serait droite ; mais, comme le train s’arrête à toutes les stations, la ligne se brise à chacune d’elles, et la brisure est plus ou moins étendue selon que l’arrêt est plus ou moins prolongé. Le chef du mouvement prépare ainsi tout son service, fait un travail analogue pour les services extraordinaires motivés par les fêtes locales, les grandes eaux, les revues, les trains de plaisir, et peut d’un coup d’œil voir l’ensemble de sa ligne en mouvement avec les heures de départ, d’arrivée, de stationnement ; en somme, c’est un plan animé qui s’explique de lui-même et n’a pas besoin de légende. Tous les employés du mouvement, tous les agens de la direction des gares, lisent le graphique avec autant de facilité que nous lisons le journal.

De plus, sous le titre de roulement du matériel, une pancarte est rédigée qui indique le mouvement des trains d’un point à un autre pour les jours de la semaine et pour le dimanche. Chaque train est spécifié par son numéro d’ordre (les trains descendans portent toujours des numéros impairs, les numéros pairs sont réservés aux trains montans), par son heure de départ, par son heure d’arrivée à destination ; on précise que le convoi s’arrête à toutes les stations,