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traction lui fournit les muscles, mais c’est lui qui est le cerveau.

Le chef du mouvement indique la marche des trains qui feront le service de la journée, le nombre et l’espèce de voitures qui le composeront, le genre de locomotive qui les remorquera, le nombre d’agens qui les accompagneront. Il spécifie la quantité de wagons à freins qui doivent réglementairement faire partie du convoi. Ces freins, destinés à appuyer latéralement deux sabots sur les roues et par conséquent à diminuer singulièrement la force d’impulsion, sont disposés de manière à être très aisément manœuvres par les conducteurs soit dans les pentes rapides, soit à l’arrivée aux stations. Sur la ligne de l’Ouest, la moyenne des wagons à freins est de 14 pour 100. On peut donc affirmer qu’un convoi de vingt voitures est toujours muni de trois freins. Dans ces énormes trains de marchandises qui nous paraissent cheminer si lentement et qu’autrefois nulle malle-poste n’aurait pu atteindre, on a soin de donner le chargement le plus lourd aux wagons-freins, pour que la pesanteur,. augmentant la force de résistance, rende plus facile l’arrêt ou le simple ralentissement. On a expérimenté sur la ligne d’Auteuil des freins à vapeur mus par la machine elle-même, mais on y a promptement renoncé ; ils procédaient par saccades qui auraient pu avoir des résultats fâcheux. Grâce au sifflet de sa locomotive, le mécanicien est en rapport avec le conducteur, et lui parle un langage convenu auquel celui-ci doit obéir ; deux coups de sifflet très brefs signifient : serrez les freins, un seul : desserrez-les. De plus, comme il faut pouvoir parer à un accident, chaque train est muni d’une boîte de pansement et de certains outils propres à réparer un dégât inopiné et peu considérable ; en outre toute station un peu importante a sous remise un wagon spécial gréé de toute sorte de crics, de pinces, de leviers, prêt à être attelé à la machine de secours et à partir.

Ce n’est pas tout que d’avoir composé un train ; il reste à en déterminer la marche de façon qu’il ne gêne pas les autres convois et ne soit pas gêné par eux. Il faut tenir compte de la distance et du temps par mètre et par minute. Quand une ligne a deux voies, l’une descendante (s’éloignant de Paris), l’autre montante (venant vers Paris), cela offre moins de difficulté, car ces voies sont toujours consacrées au même parcours ; mais que dire lorsque, le chemin de fer n’ayant qu’une voie, comme cela se rencontre encore malheureusement dans certaines parties de la France, il faut combiner le passage et le garage des trains avec une prudence et une sagacité qui défient toute possibilité d’accident ? J’avoue, pour ma part, que j’admire une si ingénieuse prévoyance : elle est telle que sur le chemin de l’Ouest, où parfois cinq cent vingt-neuf convois se sont entre-croisés en une seule journée,