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par la comparaison de deux chiffres. On a calculé qu’en 1836 le va-et-vient annuel entre Paris et Saint-Germain était représenté en nombres ronds par 400,000 personnes se servant des accélérés, de tapissières et de coucous ; en 1866, 3,482,789 voyageurs ont fait le même trajet par le chemin de fer.

Il faudrait un volume pour raconter en détail tous les aménagemens divers de la gare de l’Ouest et toutes les opérations qui s’y exécutent à chaque instant, depuis le départ du premier train, qui quitte Paris à 4 h. 50 m. du matin, jusqu’au départ du dernier à minuit 45 m. Elle n’est pas uniquement consacrée à l’exploitation, elle loge l’administration, la comptabilité, et offre le double aspect d’une usine en activité et d’un ministère. Chaque destination spéciale a son guichet où l’on délivre des billets, ses salles d’attente particulières, son quai réservé pour l’embarquement. De plus il faut compter les échoppes de libraires, de marchands de journaux, les buffets et buvettes, les bureaux de correspondance pour les villes qu’une route et un service d’omnibus relient à une station éloignée, des postes pour les agens de police, les douaniers et les employés de l’octroi, une boîte aux lettres, un bureau télégraphique, des salles différentes de bagages pour le départ et pour l’arrivée, enfin un bureau de renseignemens dont l’employé me paraît l’homme le plus à plaindre du monde, car il doit répondre avec exactitude et résignation à des questions multiples sans cesse renouvelées, embrassant une quantité de localités diverses, questions fatigantes, monotones, souvent inutiles et parfois saugrenues. En Angleterre, il n’en est point ainsi : dans les gares sont tendues de grandes affiches où tous les indications imaginables concernant l’exploitation de la voie sont minutieusement détaillées. C’est au voyageur à se rendre compte des formalités qu’il doit remplir. L’administration l’a mis à même d’apprendre vite et bien tout ce qu’il lui importe de savoir ; elle ne s’inquiète plus du reste, et l’idée ne lui vient même pas d’avoir un agent chargé de répéter de vive voix les renseignemens qu’on peut lire d’un seul coup d’œil sur une pancarte placée en évidence et à la portée de tous. Que de fois dans une gare française, nous avons vu un employé, dont la patience nous émerveillait, expliquer des heures de départ et d’arrivée à un voyageur qui n’avait qu’à se retourner pour en voir le tableau affiché à côté de lui ! On se plaint souvent de la vivacité des agens d’administration ; a-t-on bien réfléchi que les saints se damneraient eux-mêmes à être à toute minute en contact avec un public exigeant, questionneur, très puéril, dont la paresse augmente l’ignorance, et qui s’imagine volontiers que les employés doivent tout savoir et sont tenus de répondre à chaque interrogation qu’on leur adresse, même lorsqu’elle ne concerne pas leur service ? Aussi les agens trouvent le public injuste