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l’emplacement qui lui était réservé place de l’Europe si éloigné du centre des affaires, du Paris habité, qu’on agita très sérieusement le projet de l’établir à l’angle sud-est de la place de la Madeleine et de la rue Tronchet. Les rails, supportés sur « d’élégans arceaux de fonte élevés de 20 pieds au-dessus du sol et ayant une longueur de 615 mètres, » selon le rapport, auraient traversé les rues Saint-Lazare, Saint-Nicolas, des Mathurins et Castellane, dont chacune aurait eu une station particulière. Aussi, dans le principe, la gare de la place de l’Europe ne fut-elle que provisoire ; mais les propriétaires des immeubles menacés d’expropriation firent entendre de telles clameurs, l’ouverture du chemin de fer amena dans le quartier Saint-Lazare une si grande affluence de voitures, qu’on abandonna définitivement ce projet, qui avait été poussé bien loin, car on avait arrêté et soumis à l’autorité compétente le plan du bâtiment destiné à faire façade sur la place de la Madeleine. Ce plan existe encore, et je l’ai sous les yeux. Rien qu’à le voir, on comprend combien on avait peu deviné l’avenir réservé aux chemins de fer. Quoique qualifiée de « monumentale, » la façade de cette gare, qui heureusement n’a jamais été construite, est de dimensions singulièrement restreintes ; elle ne suffirait même pas à loger un des magasins qui s’étalent maintenant aux angles de certains carrefours. C’est une sorte de maison à l’italienne, à trois étages percés chacun de huit fenêtres ; le dégagement principal est représenté par un escalier de vingt-quatre marches s’ouvrant sous un porche plein cintre assez large pour laisser passer cinq ou six personnes de front. La gare d’une ville de province de troisième ordre a aujourd’hui une importance plus considérable que cette triste et insuffisante construction. Elle était cependant bien réellement monumentale, si on la compare à la masure qui sur la place de l’Europe recevait les voyageurs. Cette dernière était située au-dessus du premier tunnel, à l’endroit où fut planté un square récemment enlevé et remplacé par ce magnifique pont en forme d’étoile sorti des ateliers de M. Cail, et qui est un des chefs-d’œuvre métallurgiques de notre époque. Le bâtiment était petit, assez mal distribué, bâti en limousinerie, peint en jaune clair, et donnait accès à la voie par deux rampes non abritées qui laissaient les voyageurs exposés à la pluie, à la neige ou au soleil.

Le matériel de l’exploitation était en rapport avec la gare ; il y avait cinq espèces de voitures : 5 berlines fermées, 2 berlines ouvertes, 8 diligences, 20 wagons garnis, 70 wagons non garnis. Ces 105 voitures contenaient ensemble 4,070 places. C’était, croyait-on à cette époque, de quoi satisfaire largement dans le présent et dans l’avenir aux besoins du public. Les diligences et les berlines