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En regardant autour d’eux, les hommes d’alors s’aperçurent que tous les mouvemens des choses inanimées qui s’opèrent à la surface de la terre procèdent de la chaleur, qui se manifeste elle-même soit sous la forme du feu qui brûle, soit sous la forme de la foudre, soit enfin sous celle du vent ; mais la foudre est un feu caché dans le nuage et qui s’élève avec lui dans les airs, le feu qui brûle est avant de se manifester renfermé dans les matières végétales qui lui serviront d’aliment, enfin le vent se produit quand l’air est mis en mouvement par une chaleur qui le raréfie ou qui le condense en se retirant. À leur tour les végétaux tirent leur combustibilité du soleil, qui les fait croître en accumulant en eux sa chaleur, et l’air est échauffé par les rayons du soleil ; ce sont ces mêmes rayons qui réduisent les eaux terrestres en vapeurs invisibles, puis en nuages portant la foudre. Les nuées répandent la pluie, font les rivières, alimentent les mers, que les vents agités tourmentent. Ainsi toute cette mobilité qui anime la nature autour de nous est l’œuvre de la chaleur, et la chaleur procède du soleil, qui est à la fois « le voyageur céleste » et le moteur universel. Entendons ici que le mot chaleur est un terme abstrait et que la réalité des phénomènes ne peut s’expliquer par une abstraction ; aussi la chaleur ainsi comprise est-elle une conception scientifique et non religieuse. Les Aryas nommèrent donc non pas chaleur, mais feu (agni), le principe réel auquel ils rapportèrent tous les mouvemens des corps inanimés.

La vie aussi leur parut étroitement liée à l’idée de feu. Si l’on envisage les végétaux, les grands changemens périodiques qui naissent pour eux des saisons manifestent une connexité invariable entre ces deux choses. Quand la chaleur arrive avec le printemps, toutes les jeunes plantes commencent à croître, se couvrent de verdure et de fleurs, fructifient, et à la fin de l’année se trouvent grandies et fortifiées ; puis, à mesure que la chaleur se retire, la végétation s’alanguit, s’arrête, il semble que les forêts et les plaines soient frappées de mort. Le grand phénomène de l’accumulation de la chaleur solaire dans les plantes, phénomène que la science a depuis peu mis en lumière, fut aperçu de très bonne heure par les anciens hommes ; il est plusieurs fois signalé dans le Vêda en termes expressifs. Quand ils allumaient le bois du foyer, ils savaient qu’ils ne faisaient que le « forcer » à rendre le feu qu’il avait reçu du soleil. Quand leur attention se porta sur les animaux, l’étroit lien qui unit entre elles la chaleur et la vie leur apparut dans toute sa force : la chaleur entretient la vie ; ils ne trouvaient pas d’animaux vivans chez qui la vie existât sans la chaleur ; ils voyaient au contraire l’énergie vitale se déployer dans la proportion où l’animal participait à la chaleur et diminuer avec elle. Le froid