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d’initiative individuelle, de liberté commerciale et d’économie politique. Involontairement aussi, dès que l’on s’occupe de colonisation, on se prend à penser à cette poignée de Hollandais qui commandent à 50 millions d’indigènes dans les Indes néerlandaises. On sait qu’ils ont implanté à Java un système de culture et d’administration qui a fait la richesse des habitans et rapporté à la mère-patrie jusqu’à 40 millions de francs par année. Sans tenir compte des différences de temps et de mœurs, on espère que sur cette terre neuve de Cochinchine les mêmes principes pourraient être adoptés. Il est donc intéressant, après avoir étudié les causes qui nous ont conduits à l’annexion des trois provinces du sud de la Basse-Cochinchine, de connaître les raisons qui ont fait adopter à Saïgon la liberté illimitée du commerce et de l’achat des ferres par les hommes de toute race au lieu du monopole exclusif et du régime féodal suivi à Java.

Nous avons repris bien tard notre rang parmi les nations colonisatrices ; aussi, de tous les systèmes de gouvernement, de culture et d’exploitation, nous avons dû choisir le plus rapide et le plus sûr pour atteindre le but vers lequel tendent toutes les nations en fondant un établissement lointain, c’est-à-dire indemniser la métropole de ses dépenses extraordinaires ou payer l’intérêt de la dette contractée pour créer la colonie sans appauvrir le sol, ni pressurer les habitans. En ce moment, l’Angleterre, dégagée de ses préoccupations continentales, n’hésite pas à s’imposer d’un nouveau penny sur le revenu pour trouver les 100 millions nécessaires au maintien de son prestige en Orient et fonder peut-être des comptoirs en Abyssinie ; la Hollande n’a pas craint non plus de créer en 1832 une compagnie au capital de 75 millions de francs pour mettre en valeur l’île de Java, tandis que nous avons fondé notre colonie de Cochinchine sans emprunts et sur les ressources des budgets ordinaires ou extraordinaires. Les points de départ sont donc bien différens, et c’est de l’histoire de notre passé, de l’examen de notre état présent et de la comparaison avec les progrès et le but de nos puissans voisins que l’on pourra conclure si les institutions en Cochinchine assurent ou non à notre établissement un avenir prospère.


I

La géographie de la Basse-Cochinchine a été faite ici[1], elle n’est donc plus à faire ; mais, pour généraliser la connaissance parfaite des lieux, pour fixer dans les mémoires l’assiette du pays et

  1. Voyez la Revue du 15 mars 1867.