Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 73.djvu/882

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en relations commerciales avec l’Europe, visitaient les bâtimens de guerre, demandaient à en acheter de semblables, et cherchaient même, au nom de leur prince, à séduire les officiers anglais par des offres brillantes. Plus tard le même prince s’adressait à l’industrie européenne pour lui fournir les moyens de se livrer sur une grande échelle à la fabrication du sucre ; aujourd’hui enfin, par l’intermédiaire d’agens officieux en Europe, il s’efforce de se tenir au courant du mouvement de la civilisation. Le prince de Nagato a depuis plusieurs années des officiers en Angleterre chargés d’étudier les arts, la langue et les divers procédés de fabrication. Il a refusé, il est vrai, d’accepter dans ses démêlés avec le taïcoun le concours que lui offraient quelques aventuriers sans place depuis la pacification de la province de Shanghaï, en Chine ; mais il a prêté son assistance à un bâtiment anglais gravement échoué dans le détroit, et maintes fois il a autorisé le ravitaillement dans Simonoseki des navires de passage. A Nagasaki, où les officiers de Satzouma et de Nagato se mêlent plus facilement avec la population, où d’ailleurs les deux princes ont des représentans chargés des achats qu’ils font chez les négocians européens, le langage de tous est le même, sympathique à notre égard. Nul doute qu’officiellement chacun des grands seigneurs du Japon ne se défende de vouloir entrer en relations avec les étrangers, nul doute que chacun dans les conseils de l’empire tenus à Kioto ne propose à l’envi les moyens les plus violens pour nous expulser. Vis-à-vis les uns des autres, ils doivent moins que jamais abdiquer, en ce qui nous concerne, leur antipathie originelle. Il est probable également que, si en 1858 ils avaient pu s’opposer à notre introduction dans leur pays, ils l’auraient fait de grand cœur et avec conviction, obéissant aux lois de l’empire et à une répugnance que justifient des habitudes diamétralement opposées, une organisation politique en désaccord complet avec la nôtre. Aujourd’hui le mal est accompli, ils n’ont pu l’empêcher ; ils souffrent des conséquences, mais ils veulent profiter des avantages qui s’y rattachent.

Notre traité avec le taïcoun, en n’ouvrant que trois ports confiés à sa garde, trois ports impériaux, lui a donné le monopole exclusif du commerce, et c’est par son intermédiaire que sont apportés sur les marchés européens la soie et le thé qu’expédient l’industrie et l’agriculture indigènes. Les armes et les étoffes que nous importons sont également vendues dans les ports impériaux, et pas plus que les exportations elles ne franchissent les limites des domaines du taïcoun sans avoir été frappées de taxes considérables. De toute façon le taïcoun fait le marché et le limite suivant les nécessités du moment. Quand il n’est pas négociant lui-même, il est banquier