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de cet arrangement même, qui laissait dans la famille de Mito un prétendant éternel, rival puissant et implacable, toujours en opposition avec le taïcoun. Nous avons vu en 1860 cette lutte sourde entre le régent et le vieux prince de Mito aboutir successivement au meurtre de l’un et de l’autre ; de 1862 à 1865, le bruit des rivalités du taïcoun et de Stotsbachi a défrayé les conversations des Japonais, qui, connaissant les traits généraux de leur histoire, prêteront toujours les intentions les plus criminelles au prince régnant de Mito, Pendant les deux voyages du taïcoun de Yeddo à Kioto en 1862 et en 1865, des rumeurs sinistres circulaient chaque semaine, presque chaque jour, dans le peuple. On disait le taïcoun assassiné, et la voix publique ne soupçonnait qu’un seul coupable : c’était Stotsbachi qui avait préparé le crime. Quand son père vivait encore, au moment des assassinats dans les rues de Yokohama, les autorités japonaises elles-mêmes, répondant à nos pressantes sollicitations, déclaraient que les coupables étaient des lonines du prince de Mito, et, d’accord avec l’opinion générale, faisaient entendre que le désir du prétendant était d’amener entre l’Europe et le taïcoun une situation difficile, peut-être la guerre, dans les péripéties de laquelle il avait la chance de conquérir le trône.

En dehors de cette rivalité, le taïcoun avait encore, lors de notre arrivée au Japon, bien d’autres ennemis naturels. Si les lois de Gongensania, en réduisant la puissance des seigneurs, avaient mis à la discrétion du souverain de Yeddo une foule de princes et créé une petite noblesse vassale du taïcoun, relevant directement de lui, elles avaient laissé debout dix-huit grands feudataires indépendant chez eux, mais réduits par momens à faire plier leur orgueil devant l’autorité nouvelle. Nous savons que dans les premiers temps