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Japon, et qui ne veulent pas agir à son insu contre un prince de son empire. Encore une fois on s’adresse à Yeddo, où vient de rentrer, à la suite d’événemens qui demeurent inconnus, le taïcoun, prisonnier jusqu’alors à Kioto, et l’on prête l’oreille pour quelques mois du moins aux promesses de son gouvernement, qui proclame tout haut la rébellion du prince de Nagato et annonce que, sommé par la volonté de son maître, ce vassal rebelle va paraître à Yeddo.

C’est ce moment d’éclaircie politique que mettent à profit les Anglais pour aller demander au prince de Satzouma satisfaction de l’assassinat de Richardson. L’amiral Kuper se présente avec sa flotte devant la ville de Kagosima, et le 15 août, par un temps affreux, lorsque les ouvertures pacifiques ne sont pas encore rejetées, mais que l’amiral, cherchant à intimider les Japonais, vient de mettre sous le séquestre trois vapeurs appartenant au prince de Satzouma, le feu s’ouvre brusquement de toutes les batteries à la fois contre la flotte anglaise. Il est difficile de se prononcer sur le combat de Kagosima. La lutte fut vive de part et d’autre. L’incendie des factoreries et de la plus grande partie de la ville, la destruction de cinq grandes jonques loukiennes richement chargées, sont autant de témoignages de la vigueur des coups de l’artillerie anglaise ; mais, lorsque le lendemain la flotte, suffisamment maltraitée, fit route pour quitter la baie, les coups de canon la saluèrent jusqu’à sa sortie[1]. Cependant le 9 novembre les envoyés du prince de Satzouma, auxquels personne ne songeait, arrivèrent volontairement à Yokohama, offrant de payer les indemnités demandées et cherchant par tous les moyens possibles à entamer directement des relations commerciales avec les Européens. De part et d’autre on n’eut qu’à se louer des procédés employés, et ce fut dans les meilleurs termes que se terminèrent les premiers et seuls rapports officiels entre la diplomatie étrangère et le provocateur du meurtre de Richardson.

A la fin de l’année 1863, s’il paraît y avoir un moment de repos relatif dans la crise que nous traversons, notre situation politique ne s’est pas améliorée. Le décret d’expulsion existe dans toute sa teneur. Des fanatiques inconnus, prenant en main l’exécution des lois, ont mis à mort le 14 octobre un officier d’infanterie française, M. Camus. Le meurtre a été commis en plein jour, sur une route, au milieu d’un village ; suivant l’habitude, les voisins n’ont rien vu et déposent comme des gens qui ne veulent pas s’immiscer dans

  1. Les pertes éprouvées par l’escadre anglaise furent très sérieuses. L’amiral Kuper vit tomber son capitaine de pavillon et son capitaine de frégate tués tous les deux à ses côtés sur la passerelle de l’Euryalus.