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songèrent pas à lui ôter le bénéfice des leurs lorsqu’il eut envahi leur territoire, comment ils ne les mirent pas hors de service en se retirant, et n’usèrent point de leur nombreuse cavalerie pour les maintenir dans cet état de destruction momentanée par des pointes rapides faites sur les derrières des colonnes prussiennes.

Nous pourrions nous dispenser d’ajouter que le rôle des chemins de fer, si considérable dans la guerre de Bohême, n’a pas été moindre dans la campagne du général de Falkenstein contre les Hanovriens et les contingens de l’Allemagne du sud. L’issue de cette campagne a tenu presque uniquement à des saisies ou des interruptions de chemins de fer, à un train qui a été trouvé là et dont on s’est servi comme de cavalerie pour aller occuper un poste important. Il y a dans cet emploi stratégique des chemins de fer une grande leçon donnée à toutes les puissances militaires ; toutes auront à étudier, comme l’a fait l’état-major prussien, les nombreux avantages qui peuvent être retirés de ce nouvel auxiliaire. Déjà l’expérience de cet état-major, si intelligent et si studieux, lui a permis de formuler une loi qui ouvre un vaste champ aux réflexions et aux combinaisons des hommes de guerre. C’est que la distance influe très peu sur le temps nécessaire au transport d’un grand corps de troupes, la réunion et l’organisation du matériel de transport jouant le principal rôle dans cette opération. Jusqu’au dernier moment d’une entrée en campagne, les troupes destinées à agir peuvent donc être gardées sur des points très éloignés du théâtre de la guerre pour apparaître tout à coup là où leur concentration offensive aura été le moins prévue. L’étude que les officiers prussiens avaient faite de leurs chemins de fer était si approfondie, le tracé de leur réseau était si excellent, que vingt et un jours après l’ordre donné 197,000 hommes, 55,000 chevaux et 5,200 voitures étaient amenés sur les rails de tous les points de la monarchie à la frontière austro-saxonne. Le vingt-deuxième jour, l’armée prussienne était en état d’entrer en campagne, et si elle dut attendre dix journées encore, au grand déplaisir de ses chefs, cela tint uniquement à des considérations politiques.

Transportons-nous dans l’autre armée. Nous y voyons les Autrichiens, malgré ce retard, qui leur était si favorable, ne pouvant rien faire de plus, avec leur unique chemin de fer, que de se concentrer aux environs de Pardubitz. Surpris par la rapidité des mouvemens de l’ennemi, ils ne purent ni occuper la Saxe, ni envahir la Silésie, ni défendre les défilés de la Bohême. Nous avons dit comment, hésitant entre les deux armées prussiennes, ils laissèrent échapper à Skalitz l’occasion de vaincre, pour accepter à Sadowa une bataille qui était perdue d’avance.