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comme il l’était alors, d’une attaque que motivaient les convenances seules de l’adversaire. Aux préparatifs qui se faisaient ouvertement contre ses états, il avait répondu par une déclaration de guerre, et son armée avait franchi le Tessin ; mais cette résolution hardie, qui aurait pu avoir de grands résultats, accomplie avec mollesse et hésitation, était devenue, pour n’avoir pas réussi, une grave faute politique, et avait fait de toutes parts rejeter sur l’Autriche les torts de l’agression qui se méditait depuis si longtemps contre elle. Dans une situation qui, pour avoir quelque ressemblance, était loin d’être la même, le gouvernement autrichien crut sage d’éviter devant l’opinion européenne la responsabilité de l’offensive, et il se flatta, en forçant l’ennemi aux premiers actes de violence, d’exciter les sympathies publiques en sa faveur. Grande erreur ! Au point où en étaient les choses, le succès obtenu par la force pouvait seul mettre de son côté la justice. Pour son malheur, l’Autriche avait trop peu de foi en ce succès ; la nécessité de se battre lui répugnait tellement que jusqu’à la dernière heure elle ne voulut rien faire qui pût fournir à la Prusse et à ses adhérens le prétexte de dire que c’était elle qui avait porté les premiers coups. Non-seulement elle ne prit pas l’initiative de l’entrée en campagne, mais, pendant cette longue période d’incertitude apparente qui précéda les hostilités, elle ne fit à ses frontières aucune accumulation de troupes qui eût été aussitôt signalée par la Prusse comme une menace et une provocation. Le cabinet de Vienne, jusqu’au premier coup de canon tiré, sembla beaucoup plus soucieux de se mettre en règle vis-à-vis de la diplomatie étrangère, occupée avec plus ou moins de sincérité à prévenir la guerre, que de se préparer à la lutte contre la Prusse, et n’expédia aucun ordre pour presser la concentration des troupes.

La Prusse pendant ce temps était en droit de dire qu’elle aussi tenait ses troupes éloignées des frontières ; mais quelle différence dans la situation des deux pays ! et comme le cabinet de Berlin savait bien tout ce qu’il y avait pour lui d’avantages dans cette immobilité respective des deux armées ! Tout était si bien disposé de son côté pour la rapide concentration de la masse dispersée de ses forces, tout l’était si peu de l’autre, qu’on serait tenté de se demander si les tentatives de conciliation in extremis faites par la diplomatie n’eurent pas pour résultat unique, quoique sans doute involontaire, de permettre à l’armée prussienne de gagner sur l’ennemi une avance considérable.

On a beaucoup admiré au commencement de ce siècle la merveilleuse promptitude avec laquelle Napoléon, faisant voyager en poste les troupes du camp de Boulogne, assura ses succès d’Ulm et d’Austerlitz. Avec les proportions colossales qu’ont prisés les arméniens de nos jours, avec les inévitables indiscrétions de la