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ditions accordées à l’initiative de la presse périodique sont au point de vue fiscal, — cautionnement et timbre, — restrictives et avares, et nous condamnent à une infériorité peu honorable auprès des presses émancipées de Suisse, d’Italie, de Belgique, d’Angleterre et des États-Unis. On impose une taxe indirecte aux citoyens possédant le suffrage universel qui veulent, par la lecture des journaux, participer aux informations et aux discussions politiques. Ces restrictions sont peu conformes aux droits de souveraineté placés dans le suffrage universel ; elles sont peu généreuses et peu fières envers la France, puisqu’on la laisse dans un état d’infériorité en comparaison des Anglais et des Américains. Le nouveau projet reproduit quelques-unes des erreurs les plus flagrantes des mauvaises lois qui ont été imposées à la presse française ; il laisse dans le vague la définition des délits et en abandonne par conséquent l’appréciation et la condamnation à des jugemens arbitraires ; il refuse aux journaux, si ce n’est dans le cas de crime et d’attentat, le jugement par le jury, la seule institution qui puisse apprécier pratiquement et avec une équité probable des délits qui n’ont point été définis nettement par la loi ; il applique aux écrivains de la presse périodique des pénalités exceptionnelles, spéciales, en dehors du droit commun. Comme pour illustrer la rigueur préventive et répressive du nouveau système de législation, on a commis la faute inconcevable de poursuivre la majorité des journaux de Paris, coupables, selon l’administration, d’avoir commis des contraventions en appréciant les débats des chambres. Cette poursuite, suivie de condamnation, montre les embûches qui restent tendues à la presse. Certes, s’il y a une nature d’offense qui doive être clairement définie, c’est la contravention : la contravention nettement déterminée ne peut être commise que par ignorance et étourderie. C’est le pouvoir, c’est la législation qui ont tort, s’ils laissent la contravention dans l’équivoque, et s’ils en abandonnent l’appréciation à la raison flottante et mobile du juge. Dans un pareil système de contraventions qui ne seraient point fixées préalablement par le langage précis de la loi, on ferait une confusion de pouvoirs contraire à la probité de nos lois, on ferait du magistrat un législateur improvisant la loi qu’il appliquerait comme juge. Il faut bien que l’on sache en France ce que l’on pense chez les étrangers, qui ont le droit de contrôler nos actes et dont l’autorité forme l’opinion du monde, de la poursuite, fondée sur une équivoque, qui a été intentée à la plus grande partie des journaux parisiens. « Le jugement du tribunal correctionnel condamnant dix journaux de Paris, disait hier le Times dans son leader, est pour le gouvernement français un succès désastreux. » Et il justifiait son assertion par les considérations les plus sensées et les plus vigoureuses. Hélas ! ce n’est point à la censure des étrangers observateurs de nos actes que nous avions besoin d’avoir recours pour revendiquer les principes. Où ont-ils été mieux établis qu’en France et à des époques éloignées de nous ? Personne, par exemple, dans les grands dé-