Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 73.djvu/783

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
UNE LÉGENDE.

Une larme qui, perlant,
Sur le satin de la veste
Coule et reste
Comme un stigmate brûlant.

Souvenir que rien n’efface !
Cette trace
Se fixe là sans retour ;
Le soir, quand du lit vient l’heure,
L’enfant pleure
Pour garder l’habit de cour

Où la reine qui le charme
Mit sa larme,
Plus pure qu’un diamant.
Et plus tard, le lis-prodige
Sur sa tige
Ayant poussé fièrement,

Plus tard, quand le virtuose
Blond et rose
Fut Mozart, le grand Mozart,
Et que le destin farouche
Sur sa couche
L’étendit pâle et hagard ;

Quand, brisé de lassitude
Par l’étude,
Les plaisirs, le vin, le jeu,
Il lui fallut, plein de flamme,
Rendre l’âme,
Et dire à la terre adieu,

Chantant l’ultime louange,
Presque un ange,
Écrivant son Requiem,
Déjà voyant vos cohortes
Sur vos portes,
Céleste Jérusalem !

Il voulait, — dernier sourire
Du délire ! —
Vêtir l’habit mordoré
Que l’archiduchesse-reine,
Dans la peine,
D’une larme avait sacré !


HENRI BLAZE DE BURY.