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l’objectif en bas. On monte sur un tréteau de manière à pouvoir regarder à travers le tubes et l’on cherche à voir, en dehors des fils réels qui traversent le champ, l’image des mêmes fils réfléchis par la surface du liquide. Si cette pâle image couvre les fils réels, le tube est exactement vertical, ou sur la ligne qui joint le zénith au nadir. On fait alors la lecture de la graduation du cercle, et la comparaison de deux observations successives de ce genre fait reconnaître les changemens que l’instrument a éprouvés dans l’intervalle. Or à Paris ces observations sont impossibles selon M. Villarceau. A l’époque où la rue Saint-Jacques était encore pavée dans le voisinage de l’Observatoire, on put constater que chaque cahot produit par une lourde voiture de carrier déterminait une disparition instantanée de l’image des fils, après laquelle cette image reparaissait. Depuis 1854, M. Le Verrier a obtenu que les rues voisines fussent macadamisées ; on n’en constate pas moins une continuelle agitation du bain de mercure, et l’image des fils disparaît souvent pendant un temps assez long même lorsqu’il n’y a pas de voitures dans les rues très rapprochées, car ces trépidations se transmettent des quartiers éloignés, où les voitures circulent jour et nuit. M. Villarceau nous dit aussi qu’à Dunkerque il a toujours trouvé l’observation du nadir difficile par une mer forte, quoiqu’il fût installé à 1 kilomètre 1/2 des rivages. Lorsqu’il observait sur le glacis des fortifications de Brest, à 800 mètres de la cathédrale, chaque coup de cloche chassait l’image hors du champ ; des militaires étant venus plus tard dans les fossés des remparts se livrer à l’exercice de la trompette, les observations devinrent impossibles, et M. Villarceau dut s’adresser au commandant de place pour se débarrasser de ses persécuteurs. On pourrait citer encore les belles expériences que sir James South a effectuées en 1847 à l’aide d’un bain de mercure pour savoir jusqu’à quelles distances se propagent les trépidations du sol occasionnées par les trains des chemins de fer en marche. L’inconvénient signalé par M. Villarceau n’est que trop réel. Le sol de Paris tremble, la vie fiévreuse qui s’agite dans la grande ville et qui jamais ne s’endort fait frémir les édifices jusque dans leurs fondations. Posé sur ce terrain mouvant, le mercure se ride, frissonne, et au lieu d’une image pure, nettement définie, ne réfléchit que le trouble de la terre ébranlée dans ses profondeurs. C’est par l’intermédiaire de ce miroir liquide que l’écho de la fourmilière humaine vient sans cesse se mêler aux conversations que les astronomes ont avec les étoiles et leur rappeler qu’ils sont à Paris. A Poulkova, à quatre lieues de Saint-Pétersbourg, cet inconvénient n’est pas à craindre. Bâti sur un terrain vierge et protégé par un ukase contre toute invasion, il est à l’abri des vibrations qui seraient inévitables au sein d’une