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au moins autant, l’Allemagne en a vingt-cinq, la Russie douze, l’Italie quinze ou seize ; on compte en tout quelque chose comme cent soixante observatoires grands ou petits qui se trouvent dispersés à la surface du globe. La France en a trois, dont un, celui de Toulouse, privé d’instrumens et d’observateurs. Pourquoi supprimer le plus valides dès qu’il s’agit d’en construire un nouveau ? On nous répond qu’il est temps de créer en France un établissement national qui puisse soutenir la comparaison avec le splendide observatoire de Poulkova en Russie, et qu’un établissement de cette nature est impossible en province, qu’il ne peut se concevoir qu’à portée de la capitale. Il s’ensuit que l’emplacement actuel doit être abandonné, et que l’astronomie doit chercher un asile plus tranquille dans la campagne voisine de Paris. Quelque plausible que puisse paraître ce raisonnement, on éprouve un certain regret à voir rompre violemment la chaîne des traditions qui rattachent l’observatoire de Paris au siècle de Louis XIV. Malgré les défauts qu’il présente, il semble qu’on peut encore continuer d’y accomplir d’utiles travaux. Dans tous les cas, si, par suite d’une enquête sérieuse, on reconnaissait qu’il est possible de créer dans les environs un observatoire placé dans des conditions supérieures à celles où l’on se trouve maintenant, il faudrait conserver à la ville, en l’affectant à d’autres usages, ce monument imposant qui a deux siècles d’existence. L’histoire de cet antique établissement.est intéressante à plus d’un point de vue, et la circonstance nous paraît opportune pour jeter un coup d’œil rapide sur le passé.


I

La fondation de l’observatoire de Paris est intimement liée à celle de l’Académie des Sciences, qui tint sa première séance le 22 décembre 1666, et qui eut parmi ses membres des hommes tels que Huyghens, Roberval, Adrien Auzout, l’abbé Picard. C’est Auzout qui paraît avoir suggéré au roi l’idée de fonder à Paris un observatoire national. Elle fut accueillie avec empressement et exécutée avec une magnificence qui, mieux dirigée, eût porté des fruits inappréciables. Il n’existait alors en Europe aucun établissement de ce genre qui eût quelque importance ; les astronomes exécutaient leurs observations dans les circonstances les plus précaires. Toutefois l’œuvre tentée par le grand roi n’était pas sans exemple. Guillaume IV, landgrave de Hesse, avait érigé en 1561, sur le château de Cassel, un observatoire où il se livrait lui-même à des travaux suivis, fort au-dessus de ce qu’on pouvait attendre d’un prince à cette époque. Il observa les Astres pendant plus de trente