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oserait nier que l’influence du milieu social ne s’étende à tous les actes et à toutes les conditions de la vie ? En Angleterre comme ailleurs, la justice criminelle a sans doute affaire avec toutes les classes du royaume ; mais elle entretient principalement des rapports avec les classes inférieures, sans doute parce que ces dernières sont les plus nombreuses, les plus ignorantes et les moins protégées contre les impérieuses tentations de la faim. En dehors des délits ordinaires, ce sont d’ailleurs les ouvriers qui aspirent à un état de choses meilleur, qui s’agitent pour conquérir certains avantages dans l’état, et qui se trouvent par cela même plus exposés que d’autres à se quereller avec la loi. Aussi ont-ils un intérêt tout particulier à ce que les formes de la justice ne se montrent ni arbitraires ni inquisitoriales. Lorsque l’accusé comparaît en Angleterre devant les assises, le greffier donne lecture de l’acte d’accusation, indictment. Qu’on ne s’attende pas d’ailleurs à un enchaînement de probabilités groupées avec un art qui leur donne la sombre couleur de la certitude. Cet acte se contente.de résumer en quelques lignes et avec une souveraine bonne foi la substance des faits qui s’élèvent à la charge du prévenu. Le juge lui demande alors s’il s’avoue coupable (pleads guilly), ou si au contraire il maintient son innocence (pleads no guilty)[1]. Il ne faudrait toutefois point se méprendre sur le sens de cette question, qui est d’ailleurs expliquée en termes très clairs à l’accusé. To plead no guilty veut dire non pas que l’homme se déclare innocent, mais tout simplement qu’il prétend ne point renoncer à son droit de défense, Tout appel direct ou indirect à la conscience du prévenu serait réprouvé par les usages du droit anglais. S’il admet librement sa culpabilité, le juge prononce à l’instant même la sentence ; dans le cas au contraire où l’accusé annonce l’intention de se défendre ou en d’autres termes « d’être jugé par Dieu et son pays, » il est traduit à tour de rôle devant le petit jury, petty jury.

« Prisonnier, s’écrie alors un officier de justice, ces hommes de bien (good men) que vous allez entendre appeler par leurs noms sont les jurés qui entre notre souveraine dame la reine et vous vont procéder à votre jugement ; si donc vous voulez les récuser tous ou tels d’entre eux en particulier, vous devez le faire lorsqu’ils s’approcheront du livre pour prêter serment, et vous serez écouté. » Le greffier appelle en effet à haute voix douze jurés sur la liste (pannel) de ceux qui ont été convoqués pour la session, Le livre dont il a été parlé et sur lequel ils s’engagent par la foi du serment « à rendre un verdict vrai » est l’Évangile. Le droit de

  1. Cette sorte d’interrogatoire est ce qu’on appelle arraigning the prisoner.