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coups de vent de l’opinion, chez un peuple où la responsabilité s’accroît avec l’importance des individus qui s’élèvent. Ne vit-on point en 1865 le baron Westbury, un des chanceliers les plus libéraux et les plus éclairés de l’Angleterre, donner sa démission dans la chambre des lords à la suite d’un vote de censure lancé contre lui par la chambre des communes ? Comment oublier d’un autre côté que cet homme tout chargé d’honneurs n’était la veille qu’un avocat éminent ? Et qui s’inquiète de sa naissance, de l’obscurité de ses origines ? La science, le talent, l’intégrité, le couvrent d’un blason impénétrable aux traits de la satire. Je m’étonne après cela qu’on s’obstine à représenter l’aristocratie anglaise comme une caste ; c’est bien plutôt dans ce cas, et par rapport à la haute magistrature, l’échelle qui rapproche par les degrés du mérite personnel les deux extrémités de l’ordre social. La cour de chancellerie, le premier tribunal du royaume après la chambre des lords, était autrefois célèbre pour la ridicule lenteur de sa procédure. Qui ne connaît la mordante critique qu’en a faite Charles Dickens dans son roman intitulé Bleak House ? Un héritage en chancellerie, comme disent les Anglais, c’est-à-dire soumis aux délibérations de cette cour, était parfois aliéné durant la vie de deux ou trois hommes. La maison en litige pouvait être nouvellement bâtie au moment où s’ouvrait le procès ; mais celui qui finissait par le gagner ne recueillait tout au plus qu’une ruine. Depuis quelques.années, certaines réformés ont beaucoup allégé la marche de la justice. Les tribunaux d’équité qui se partagent entre eux le fardeau des affaires sont la cour du lord-chancelier, celles des deux lords d’appel (lords justices of appeal), du maître des archives (master of rolls) et de trois vice-chanceliers. Le maître des archives est le seul juge en équité qui puisse siéger à la chambre des communes.

Un légiste anglais a dit que dans un pays bien administré la justice devrait être à la porte de chaque homme. Un état de choses si désirable existe-t-il chez nos voisins ? En principe, ou, si l’on veut, par une fiction légale, les cours suprêmes sont censées toujours siéger à Londres, dans le palais de Westminster ; mais, comme il fierait souvent très incommode pour un habitant des provinces d’atteindre le centre de la justice, quelques-unes de ces cours elles-mêmes se déplacent et vont trouver les populations locales. Il y a de la sorte des tribunaux sédentaires et des tribunaux mobiles. Deux fois par année, les juges des trois grandes cours de common law parcourent toute l’Angleterre et le pays de Galles pour entendre les causes civiles et criminelles. Ces tournées, qui se partagent entre huit districts judiciaires, prennent le nom de circuits, Deux magistrats dans les circonscriptions anglaises et un seul dans celles du pays de Galles visitent à tour de rôle la contrée, et