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Les simples barristers composent la masse de l’association ; ils se divisent en un assez grand nombre de branches, et prennent différens noms selon le genre de causes qu’ils poursuivent ou les cours de justice pour lesquelles ils travaillent. Il y a par exemple l’avocat qui plaide, l’avocat qu’on consulte et l’avocat qui dresse des actes ou expose par écrit aux juges de certains tribunaux les faits d’un procès, soit pour la demande soit pour la défense. De telles distinctions ont après tout très peu d’importance au point de vue qui nous occupe : tous ces hommes de loi habitent, au moins durant la journée, les mêmes inns ou hôtels, et, retirés dans leur étude (chambers), s’occupent à part des intérêts de leurs cliens. Le lien qui les réunit est celui d’une association morale à laquelle se rattache d’ailleurs plus d’un avantage matériel. Quant aux étudians répartis entre les quatre inns of court dont ils sont membres dès leur entrée, on évalue leur nombre à plus de quatre mille.

Quelles sont pourtant les sources auxquelles ces sociétés, libres et indépendantes de l’état, puisent les élémens d’une prospérité qui saute aux yeux ? Le loyer des maisons et les contributions des membres forment à peu près tout leur revenu. N’est pas logé qui veut dans un inn of court. Plusieurs jeunes avocats sont obligés d’attendre qu’il y ait place pour eux dans ces hôtels de la loi. Durant ce temps-là, ils pratiquent dans des rues voisines, où le flot des affaires vient plus difficilement les trouver. Quelques-unes des chambres (chambers) sont entre les mains de légistes qui ont un bail à vie, et qui jouissent du privilège de les sous-louer à un autre moyennant une amende (fine) payée à la société. De leur côté, les benchers versent au moment de leur accession une large somme d’argent, qui en retour leur confère un droit sur un certain nombre d’appartenions. Dans tous les cas, ces vieilles chambres sont très recherchées par les hommes de loi, s’accordent d’ordinaire à l’ancienneté, se paient relativement fort cher, et produisent d’une manière directe ou indirecte une des grandes ressources de chaque confrérie[1]. Les contributions des membres varient selon les différens inns of court ; il faut d’ailleurs bien distinguer entre les souscriptions des avocats et les déboursés des étudians[2]. Les

  1. Celle de Lincoln’s Inn fournit gratuitement des cours de justice au lord-chancelier et aux trois vice-chanceliers, ainsi qu’une autre salle pour les lords de justice moyennant une très faible redevance ; mais ces audiences ajoutent une grande valeur aux maisons de l’endroit. Les avocats peuvent en quelque sorte se rendre au tribunal sans sortir de chez eux. Aussi les voit-on passer dans les cours de l’hôtel en robe noire et en large perruque poudrée à blanc.
  2. A l’Inner Temple, la cotisation des barristers est de 19 sh. 8 deniers par an, au Middle Temple de 1 livre sterling, à Lincoln’s Inn de 3 livres sterling 15 sh. 10 den., à Gray’s Inn de 1 livre sterling 3 sh. 4 deniers.