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Au milieu d’une grande place se détache une masse de vastes édifices dont la première pierre fut posée en 1843, et dont M. Hardwick, l’architecte du débarcadère d’Euston-square, a fourni les dessins. De massives tours carrées, d’imposantes fenêtres à vitraux coloriés, des murs revêtus de blasons et d’arabesques, des toits recouverts de plomb et surmontés d’ornemens, de clochetons et de sculptures, tout rappelle à première vue le style du XVIe siècle en Angleterre. C’est un genre sévère, un peu lourd, moitié féodal et moitié religieux, qui convient d’ailleurs assez bien aux anciens usages perpétués dans la confrérie des avocats. Un bel escalier de pierre conduit à un vestibule qui communique avec la salle du conseil, où se trouvent les portraits des anciens légistes, la salle des classes, richement décorée de boiseries, la bibliothèque et le hall. Plus ancienne que toutes les autres qui ont été fondées à Londres, cette bibliothèque possède un grand nombre de manuscrits, de procès célèbres et de livres de droit. Quelle élégante salle de lecture, éclairée d’un jour doux et mystérieux qui convient à l’étude ! C’était autrefois la coutume dans les bibliothèques anglaises de fixer les volumes au moyen d’une chaîne et de les rattacher ainsi au rayon de l’armoire sur lequel ils reposaient. Quelques-uns des ouvrages appartenant à Lincoln’s Inn portent encore sur la couverture la trace de ces temps de défiance et de servitude, — un anneau de fer[1]. La grande salle, hall, est à coup sûr d’une rare magnificence. Les murs latéraux, revêtus de chêne à la hauteur de 12 pieds environ et surmontés d’une corniche enrichie de dorures et de couleurs, cinq hautes fenêtres percées de chaque côté de la salle et découpant en lumière les armoiries et les devises des principaux membres de la société depuis 1450 jusqu’à 1843, un plafond décoré de pendentifs comme celui de Westminster hall, et vers la grande entrée un écran (screen) étalant tout le luxe sévère de la sculpture sur bois, n’en voilà-t-il point assez pour frapper les regards ? Les deux extrémités de la vaste salle sont occupées d’un côté par une de ces solennelles fenêtres que les Anglais appellent oriel, et de l’autre par une immense fresque, ouvrage de M. Watts, l’artiste qui a peint au parlement la Victoire de saint George sur le dragon. Toutes les figures, au nombre de trente, sont colossales ; les législateurs, depuis Moïse jusqu’à Edouard Ier, montent les degrés d’un autel où siègent la Religion, la Justice et la Miséricorde. Au sortir de cette somptueuse salle à manger, où se réunissent devant une table commune les avocats et les étudians, pourquoi oublierions-nous de visiter la cuisine ? S’il faut en croire

  1. Le bibliothécaire, M. W. H. Spilsbury, est un homme très instruit, qui a écrit une histoire de Lincoln s Inn, et auquel je dois des remerciemens pour l’obligeance avec laquelle il m’a montré tout l’édifice.