Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 73.djvu/671

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Middle Temple fut représentée le 2 février 1601 l’une des plus charmantes comédies de Shakspeare[1].

Quelques noms célèbres de la littérature anglaise se rattachent à ces lieux, dans lesquels ont grandi tant d’avocats renommés. Le vieux poète Spencer nous a laissé du Temple une description intéressante où il parle des « tours de brique chevauchant sur le vieux et large dos de la Tamise, et où maintenant les studieux légistes ont établi leurs quartiers. » Goldsmith n’appartenait point à la société des avocats, mais il avait loué un logement dans le Temple, et il y a maintenant son tombeau[2]. Le docteur Johnson lui-même vécut quelque temps dans Middle Temple-lane, et c’est là que Boswell alla pour la première fois « visiter le géant dans son antre. » Tous ces souvenirs s’associent naturellement à de vieux murs noircis par le temps, à un centre d’affaires qui réclament le recueillement et l’étude. Une simple ruelle sépare l’inner Temple du Middle Temple, marquant ainsi la limite des deux sociétés. Certes l’étranger pourrait aisément les confondre, tant leurs bâtimens ont un air de famille ; mais combien cette partie de la ville, avec son enceinte fermée d’une clôture et sa population locale, diffère des autres quartiers qui l’environnent !

Le troisième inn of court se rencontre à une faible distance du Temple[3]. Vers l’extrémité de Chancery-lane s’élève une grande porte flanquée de deux tours massives et carrées dont les briques ont été assombries par les siècles et la fumée de Londres. Au-dessus de la voûte en pierre qui surmonte l’entrée s’étalent les armes royales d’Henri VIII avec la couronne et la jarretière, tandis que sur la droite figurent l’écusson de Lacy, comte de Lincoln, et sur la gauche celui de sir Thomas Lovell. Une banderole qui se déroule au-dessus de ces armoiries porte la date de 1518. C’est un des plus anciens ouvrages de ce genre qui existe à Londres, et les

  1. Un journal (diary) qui parait avoir été écrit par un membre de la société du Middle Temple, et qui s’étend de 1601 à 1604, contient cette note : « Février 1601. — A notre fête, nous eûmes une pièce de théâtre intitulée Twefth night ou What you will… » Suit une courte analyse du sujet de la comédie. Ce journal manuscrit est conservé à la bibliothèque du British Muséum. Quelques écrivains anglais ont supposé que la pièce avait été jouée ce soir-là pour la première fois par les étudians du Temple ; mais je ne vois rien qui justifie cette conjecture.
  2. A côté de la vieille église des templiers, sur un lit de sable rougeâtre, s’élève un cercueil de pierre qui semble sortir à demi du fond de la fosse. Sur les deux faces de ce simple monument, on lit la courte inscription suivante : « Ici git Olivier Goldsmith, né le 10 novembre 1728, mort le 4 avril 1774. »
  3. L’espace qui les sépare était autrefois couvert par des jardins, des champs et les résidences isolées de quelques gentilshommes. C’est à présent une des parties de Londres les plus encombrées de magasins et de boutiques. Un avocat de Lincoln’s Inn me disait que, de tous les anciens règlemens, le mieux observé de nos jours est celui qui interdisait aux étudians de tirer à l’arbalète sur les lapins du voisinage.