Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 73.djvu/659

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

femmes et les enfans dominent. Leur caquetage, joint au bruit de leurs sandales en bois, produit un vacarme d’un genre nouveau et auquel l’oreille ne se fait pas sans difficulté. Nous sommes arrivés au pied des marches qui conduisent au temple. A gauche, nous avons les écuries de la déesse. Elles contiennent, exposés aux regards de la foule, deux chevaux albinos, petits, maigres, d’un blanc sale, les yeux rouges, deux chevaux sacrés, mais en somme d’un assez triste aspect. Leur mangeoire est abondamment garnie par la générosité des fidèles, qui achètent dans les boutiques avoisinantes des pois bénis, et acquièrent ainsi des indulgences plus ou moins étendues. La nuit, les deux nobles bêtes sont suspendues et supportées par de larges sangles. Leur position officielle exige cette précaution ; elles perdraient de leur pureté en se couchant comme de vulgaires animaux. A droite, nous pénétrons dans un hangar où sont exposés de tous côtés des casques traversés de flèches. On se transmet de génération en génération les légendes de ces guerriers qui, au plus fort de la mêlée, se mettant sous la protection de la déesse, sont sortis sains et saufs du combat, n’emportant que les souvenirs glorieux et inoffensifs de coups multipliés dirigés contre eux. Les casques, quoique en fer, sont quelquefois traversés de part en part. Asaxa, comme temple, n’est remarquable que par le culte qui s’y rattache, l’énorme affluence des fidèles et les dimensions du toit qui abrite le sanctuaire. A l’intérieur, ce sont toujours les mêmes idoles, un peu plus dorées, et la même simplicité d’ornemens. L’enceinte réservée au public est très étroite ; encore la moitié de l’emplacement est-elle occupée par une énorme caisse rectangulaire en bois dont la partie supérieure est grillée de lames taillées en biseau aigu. Cette caisse représente le tronc pour les frais du temple. Il est difficile, même au plus maladroit, d’arguer de son éloignement pour ne lien donner ; l’aumône, lancée en l’air, à peu près en direction, ne peut pas se tromper d’adresse. La caisse n’a de fond que les caves mêmes du temple, et l’on entend du matin au soir le bruit des bitassen tombant dans le trésor sacré. Que le lecteur se rassure cependant. Il faut 96 bitassen pour composer un timpo, joli morceau de cuivre oblong valant quelque chose comme 15 centimes.

Des allées irrégulièrement percées nous font promener au milieu de maisons à thé et de pépinières gracieuses où d’habiles horticulteurs montrent fièrement les merveilleux produits de leur art. Il y a là dans des potiches des arbres de vingt et trente ans d’existence, des cèdres et des sapins bien touffus, bien coquets, dont on arrête la croissance pour en faire un ornement de salon, une garniture de fenêtre, des pommiers et des cerisiers d’un pied de haut, tout