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rapprochement forcé avec les événemens contemporains, aucune allusion aux incidens, encore moins aux hommes du jour, ne se sont glissés sous la plume toujours discrète et grave de l’historien. Et cependant ce second volume aurait été composé tout exprès pour paraître au printemps dernier, entre nos premiers démêlés avec la Prusse et la discussion de nos chambres sur l’organisation de notre état militaire, qu’il ne serait pas venu plus à propos. C’est la première coalition européenne, suivie de la campagne de Flandre de 1792, qui en fait le sujet principal. Or je crois que le récit le plus vulgaire de cette grande aventure tant de fois racontée devrait trouver en ce moment des lecteurs. Dans la situation qui nous était faite hier, et dans laquelle nous pouvons nous retrouver demain, quand nous entendons souvent dire que d’un soir au matin suivant la guerre va s’allumer sur notre frontière du nord, tous les faits d’autrefois qui ressemblent de près ou de loin à ceux qui nous menacent aujourd’hui s’éclairent aux yeux du public d’un jour sinistre et nouveau. A plus forte raison si, avec un rare mélange de bon sens et de perspicacité, un écrivain sait, comme M. de Bourgoing, nous faire toucher du doigt par quel concert d’intérêts ou d’intrigues fut formée autrefois, puis dissoute, la redoutable masse d’ennemis qui, débordant par cette frontière découverte, faillit engloutir notre indépendance, enfin à quelles sources fut puisée l’énergie héroïque qui nous préserva, il mérite à tous les titres de commander l’attention publique. Chacun doit être pressé d’aller chercher auprès de lui la réponse à cette question que personne ne peut éviter : si la guerre survenait entre l’Allemagne et nous, quelle différence y aurait-il entre 1792 et 1868 ? Y a-t-il aujourd’hui encore en Europe des combinaisons diplomatiques qui menacent de ramener sur nous les périls qu’ont connus nos pères ? Y a-t-il des combinaisons militaires ou politiques qui puissent raviver chez nous les vertus qui les enflammaient ? Les Prussiens de M. de Bismarck sont-ils plus ou moins à craindre sous les ordres de M. Moltke que les Prussiens de M. de Haugwitz commandés par le duc de Brunswick ? Nos réserves, organisées d’après tel ou tel système, vaudront-elles les volontaires de Dumouriez ? Que de sujets de rapprochement, de comparaisons et d’antithèses !

Ce n’est pourtant pas seulement ni même principalement dans les détails historiques, avec quelque soin qu’ils aient été recueillis, que réside à nos yeux le caractère d’originalité et même d’opportunité du livre de M. de Bourgoing. Ce qui, suivant nous, doit surtout lui valoir l’intérêt du lecteur, c’est un rapprochement d’idées curieux qui fait attendre beaucoup d’instruction et qui est résumé en deux mots dans le titre même. M. de Bourgoing a entrepris d’écrire l’histoire diplomatique de la révolution française. La