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chantant l’humanité, à l’heure où elle se dégage des fatalités sombres et se dirige librement vers la lumière. On ne connaît par la tradition écrite que trois images de Sophocle, toutes les trois perdues depuis des siècles : la statue d’airain que l’orateur Lycurgue lui fit élever dans le théâtre d’Athènes, une autre statue que son fils Jophon lui consacra et qui paraît avoir été placée dans un temple, enfin son portrait peint sur les murailles du Pœcile, au milieu des grands hommes de la cité. MM. Benndorf et Schoene pensent que le Sophocle de Terracine est une œuvre originale, et que, si l’artiste a pu s’inspirer du monument de bronze élevé par l’orateur Lycurgue, il l’a fait en toute indépendance, comme il appartient à un artiste qui a son idée et qui l’exprime. Rien ne fait penser ici à une main qui copie : tout est franc, libre, bien venu. Remercions MM. Benndorf et Schoene du soin qu’ils ont pris de mettre religieusement en lumière ces découvertes trop peu connues ou trop vite oubliées. Ils nous ont fait relire avec bonheur la Vie de Sophocle par Lessing et ces pages excellentes où M. Patin explique la révolution morale autant que poétique annoncée par le chantre d’Antigone. Dans notre vie tumultueuse et indécise, au milieu de nos agitations et de nos fièvres, on bénit l’occasion qui replace un instant sous nos yeux ces deux signes de l’antique beauté, la candeur et la force.


SAINT-RENE TAILLANDIER.


L’ACOUSTIQUE, OU LES PHENOMENES DU SON,
par M. R. Radau. Paris, Hachette et Cie.


De toutes les branches de la science expérimentale, c’est sans contredit l’acoustique qui a le plus changé d’aspect depuis une dizaine d’années. On croyait généralement que, pour étudier les sons, il fallait avant tout avoir l’oreille très juste, et les physiciens qui ne se sentaient aucune aptitude pour la musique n’osaient aborder un terrain qu’ils supposaient hérissé d’obstacles pour eux insurmontables. Les nouvelles méthodes d’observation auxquelles l’acoustique doit ses plus récens progrès tendent au contraire toutes à nous affranchir du moins fidèle de nos sens. L’œil se substitue à l’oreille, les sons deviennent visibles. Les cours publics et un grand nombre de conférences scientifiques ont depuis longtemps popularisé la belle découverte de M. Lissajous, grâce à laquelle les vibrations sonores des fourchettes d’acier peuvent se transformer en un phénomène lumineux des plus brillans. On prend deux diapasons dont les notes sont dans un rapport consonnant, on y fixe deux petits miroirs, et on les installe en face l’un de l’autre comme deux joueurs de paume : les miroirs seront les raquettes, un rayon de lumière sera la balle. Une lampe entourée d’une cheminée opaque dans laquelle on a