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lange de sentimens contradictoires. La gloire de vivre est le grand succès du cabinet de Madrid. C’est beaucoup en Espagne que de durer. L’existence prolongée du ministère n’a pas été sans produire quelques bons résultats. La santé financière de l’Espagne est bien meilleure qu’il y a un an. Les anciennes dettes, qui avaient tant altéré le crédit espagnol, ont été réglées par une conversion ingénieuse qui a procuré des ressources au trésor ; une souscription d’obligations domaniales a été couverte par les capitalistes indigènes. Les souffrances des chemins de fer ont seules continué sans qu’on y ait porté remède. On pourra juger par un seul fait de la condition que l’état politique de l’Espagne peut faire à ces entreprises, où les capitaux français sont engagés en sommes énormes : il y a eu cette année sur le chemin de Saragosse 30 pour 100 de diminution sur le trafic des voyageurs. Est-ce la conséquence d’une décadence des affaires du pays ? Non, car les produits du transport des marchandises se sont assez accrus pour contre-balancer la perte du transport des voyageurs. C’est le rétablissement des passeports, exigés pour les plus courts déplacemens, qui a empêché les voyages et déprimé à cet égard les recettes des chemins de fer. Ces accidens ne rabattent rien de la fierté castillane ; les politiques espagnols se sont drapés dans les plus sublimes attitudes et se sont élevés à la plus haute éloquence lyrique à propos des derniers événemens de Rome. Ils étaient tout prêts, si la place n’eût été déjà prise, à devenir les chevaliers du pouvoir temporel ; ils n’auraient pas enyoyé moins de quarante mille hommes à la croisade, et auraient recommencé à la minute dans le royaume de Naples les exploits des Pescaire et des Antoine de Leyva. Ainsi l’Espagne reste toujours fidèle à elle-même, et les aventures les plus comiques de sa politique picaresque n’altèrent point en elle l’élan et la flamme du Romancero.

Le vampire du fenianisme continue à peser sur la robuste Angleterre. La magistrature britannique ne recule point dans sa lutte avec cette sédition ténébreuse. Le fenianisme va produire un procès de presse. L’éditeur de ririshman, journal qui reproduit toutes les provocations, toutes les menaces, toutes les violences des feuilles ou des meetings du fenianisme américain, est appelé à rendre compte devant un tribunal de Dublin des conséquences de ses publications. Le procès sera curieux et montrera ce que la société anglaise, sous les libres sauvegardes de la loi, peut faire pour sa défense contre les organes de publicité des hommes qui lui déclarent une implacable guerre intestine. La poursuite est exercée au nom du gouvernement de l’Irlande, et une partie de la presse anglaise blâme ce gouvernement d’avoir trop tardé à recourir à la répression légale. La loi anglaise permet aux Irlandais d’exprimer tous les griefs dont ils croient avoir le droit de se plaindre, et de réclamer contre les formes constitutionnelles qui règlent l’union de l’Irlande et de l’Angleterre. À l’argumentation même la plus contraire à la constitution