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morales des habitans. Ils sont laborieux, économes et intelligens. M. von Scherzer nous dépeint parfaitement les mœurs de cet intéressant pays. L’activité du génie anglais s’unissant à l’honnêteté et à la prudence hollandaises produit des résultats admirables. Des villages nés d’hier, dans un pays qu’habitaient naguère encore les plus dégradés des hommes, les Boschmannen, offrent plus de comfort et de vraie civilisation que la plupart des villes européennes. Voici Worcester par exemple, où les savans de la Novara viennent prendre gîte après avoir traversé une vaste région déserte. Les maisons en bois sont précédées d’une verandah garnie de rosiers en fleur. Des arbres qui rappellent l’Europe, des chênes, des peupliers, des sapins, l’ombragent ; mais l’eucalyptus d’Australie y mêle ses feuilles aromatiques et résistantes comme du cuir. Une haie bien entretenue sépare de la voie publique le jardin, dont les parcs de fleurs révèlent la minutie hollandaise. Ces ravissantes habitations appartiennent à des fermiers qui possèdent 3 ou 4,000 moutons, sans compter un beau troupeau de bœufs et de chevaux. Non-seulement toutes les nécessités de la vie sont largement satisfaites jusque dans ces raffinemens auxquels la vie moderne nous a habitués ; mais un piano, de la musique, des gravures pendues au mur, des livres, une longue-vue, des thermomètres, des baromètres, montrent que la culture des arts et des lettres n’est pas négligée. Les Autrichiens logèrent dans un hôtel où ils se trouvèrent, disent-ils, aussi bien que dans ceux de Vienne, ce qui pour eux n’est pas peu dire. Worcester, fondée depuis quelques années à peine, compte déjà A, 500 âmes. Dans un autre endroit, à Wellington, peuplé plus récemment encore et comptant seulement 2,000 habitans, une banque venait de s’établir au capital de 45,000 livres sterling (1,125,000 francs), divisé en 4,500 actions de 10 livres. C’est l’application du système écossais dans les montagnes de la Cafrerie. La banque, surveillée de près par ses actionnaires, qui sont tout simplement les fermiers du village, soigne la rentrée du prix des laines, garde les économies des uns et les transforme en avances pour les autres. Rien qu’à Port-Élisabeth, il existe quatre banques. Dans toute la colonie, il y en a au moins une quinzaine avec un capital de plus de 40 millions et une circulation fiduciaire de 5 millions de francs. Comment se fait-il que ces institutions de crédit réussissent si bien ici, tandis que dans tant d’autres pays elles ruinent si fréquemment et les actionnaires et les créanciers ? C’est que, comme en Écosse, elles ont pour base l’honnêteté commerciale et pour objet de solides entreprises agricoles à favoriser, et non l’agiotage à exploiter.

C’est aux descendans des réfugiés français que le Cap doit la