Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 73.djvu/440

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au moins un demi-million de francs. Presque tout le commerce est aux mains des Anglais et des Américains, et rien n’indique que les habitans soient prêts à imiter les exemples d’activité et d’initiative que leur donnent les étrangers.

Après avoir quitté Madère, la Novara franchit la ligne, et alla jeter l’ancre dans la baie de Rio-de-Janeiro, la plus vaste, la plus sûre, la plus belle du monde entier. L’empire du Brésil, aussi grand que l’Europe tout entière, ne compte que 8 millions d’habitans, dont un peu plus de 1 million seulement appartient à la race blanche. Et pourtant grâce à l’étendue, à la merveilleuse fertilité du territoire, à la diversité des climats qu’il présente, il pourrait réunir tous les produits de la zone tempérée à ceux des régions équatoriales. Au sud, dans la province de Sainte-Catherine, la chaleur n’est pas excessive, et permet au blanc de travailler sans nuire à sa santé. Les quelques colons allemands et belges qui y sont établis prospèrent; mais le Brésilien dédaigne le travail, qu’il a toujours vu exécuter par des esclaves. Rio-de-Janeiro fait venir le froment de New-York, la farine même de la Hongrie et les fourrages pour les chevaux de l’Amérique du Nord. Le progrès est presque insensible, et les améliorations introduites sont dues presque toutes à l’initiative des étrangers. La construction des routes, des chemins de fer, des lignes télégraphiques, se poursuit avec une déplorable lenteur. Les ressources nécessaires à ces travaux si urgens sont gaspillées dans des guerres étrangères, sans but et sans profit même pour le vainqueur. Que n’aurait-on pas pu faire avec les centaines de millions dévorés dans cette triste expédition du Paraguay, qui a déjà coûté la vie à tant d’hommes dans un pays où il y en a si peu? A une faible distance de la capitale, toute route carrossable cesse, et pour voyager l’on est réduit à se servir du mulet, qui constitue aussi l’unique moyen de transport pour les marchandises. Au gouverneur de la province de Goaz, il faut trois mois pour se rendre de Rio à sa résidence. De Cuyaba, capitale de la province de Matto-Grosso, jusqu’à Rio, les marchandises restent une demi-année en route. Depuis que la suppression de la traite des noirs est devenue effective, le Brésil ne peut échapper au déclin que grâce à une forte immigration de colons européens. Comme le disait l’empereur lui-même dans l’un de ses discours d’ouverture, « la nécessité d’attirer une population industrieuse devient chaque jour plus impérieuse. » Déjà maintenant ce sont les étrangers, les Allemands et les Anglais surtout, qui exploitent les forces productives de l’empire. Voici comment s’exprimait à ce sujet un rapport de la chambre des députés ayant pour objet de combattre le préjugé national qui ne voit dans les étrangers que « des sangsues vivant aux dépens du pays. » « Nos fabri-