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le château qui avait vu mourir le comte de Chalais et partir Fouquet pour un exil plus terrible que la mort.

Avant de statuer sur le sort des accusés, dont chaque jour augmentait le nombre, les commissaires jugèrent à propos de frapper quelques écrits clandestins qui se lisaient alors avec avidité. Ces écrits avaient pour but d’intéresser l’opinion aux prisonniers, et présentaient les désordres des derniers temps comme une conséquence coupable sans doute, mais naturelle, de la violation des droits de la province, du mépris témoigné à son parlement et à ses états. L’un de ces pamphlets, d’une forme piquante, avait pour titre : Dialogue entre Gaston de Foix et Charles XII; l’autre, d’une portée beaucoup plus sérieuse, touchait au vif les plus hautes et les plus redoutables questions. C’est une perte véritable que celle de cette Apologie pour le parlement et pour la noblesse de Bretagne, si bien brûlée par arrêt de la chambre royale qu’aucun exemplaire n’en est parvenu jusqu’à nous. Dans cet écrit se reflétait en effet l’opinion de la majorité modérée, non moins opposée aux extravagances des conjurés qu’aux procédés soldatesques de M. de Montesquiou. Cette opinion était celle du parlement, qui protesta avec énergie contre la formation de la chambre royale, d’abord parce que la création d’un tribunal politique en Bretagne était une atteinte manifeste aux droits constitutionnels de la province, ensuite parce qu’elle semblait jeter un doute injurieux sur la fidélité des magistrats bretons en les présentant comme capables de ménager des ennemis de la France et des complices de l’étranger[1].

La mission de la chambre de Nantes, telle que la lui avait assignée M. d’Argenson, avait été de confondre dans une réprobation égale, en les frappant par des arrêts communs, la résistance constitutionnelle de la Bretagne et le concours donné par un petit nombre de conjurés aux visées ambitieuses d’Elisabeth Farnèse et d’Alberoni. De leur côté, les accusés mirent tout en œuvre pour dissiper cette confusion systématique. Il n’y eut pas jusqu’à M. de Pontcallec qui ne s’efforçât d’expliquer sa conduite dans le sens d’une opposition légale, en la rattachant au pacte de Dinan, malgré l’évidence des faits sous lesquels il fut trop facile de l’accabler. Ses déclarations, ignorées jusqu’ici, peuvent se résumer de la manière suivante[2]. L’accusé reconnaît avoir participé à toutes les réunions formées par la noblesse après les états de Dinan. Il donne des détails étendus sur l’assemblée de Lanvaux et sur trois autres qui suivirent. Il ne s’agissait, selon M. de Pontcallec, que de résister à l’oppression de M. de Montesquiou et de concerter un plan

  1. Remontrances du parlement de Bretagne au roi, du 24 octobre 1719.
  2. Le premier interrogatoire de Pontcallec est du 3 janvier 1720; les autres suivirent à quelques jours de distance.