Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 73.djvu/416

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Nous nous promettons de plus, sous les mêmes peines, de nous garder un secret inviolable. Enfin nous déclarons sans foi et sans honneur et comme dégradés de noblesse les gentilshommes de la province, soit présens ou absens, qui ne voudront pas signer le présent traité d’union, ou qui, l’ayant signé, contreviendront à aucun des susdits articles, en sorte qu’ils seront bannis de tout commerce avec les soussignés.

« Et, pour que personne ne puisse trouver à redire, a été signé sans distinction ni différence de rang. »


Dispersés sur tous les points de la péninsule, les membres des états emportèrent en se séparant cette pièce, que beaucoup d’entre eux avaient déjà revêtue à Dinan de leur signature. Elle fut lue et avidement commentée dans les bureaux diocésains, sorte de diétines permanentes de la confédération bretonne. Dans le courant du mois qui suivit la clôture de l’assemblée, le maréchal de Montesquieu, sans connaître encore le texte et la portée de ce document, signale à MM. de La Vrillière et d’Argenson la formation d’une redoutable association pour le refus de l’impôt[1] ; il réclame instamment des renforts, qu’il juge indispensables, et insiste sur l’adoption d’un plan antérieurement adressé par lui à la cour pour restreindre au sein des états l’importance de la noblesse. On trouve également aux archives une correspondance de la même date émanée d’un agent secret du duc d’Orléans, qui juge la conduite du commandant avec la liberté qu’autorise l’ombre épaisse du sein de laquelle il écrit. Aucune des maladresses journalières de Montesquiou n’échappe à ses observations ironiques, encore qu’il soit pleinement d’accord avec lui sur la gravité de la crise et sur l’état général des esprits. Selon cet agent fort sagace, il faudrait avant tout bannir de l’esprit des Bretons toute inquiétude pour la sécurité de leurs états, sans quoi il deviendrait impossible de gouverner la province; mais il voudrait qu’on opérât le plus promptement possible une réforme profonde en interdisant, par un acte hardi de l’autorité royale, l’accès de l’assemblée à la petite noblesse, qui domine, et lui donne le caractère d’une sorte de démocratie tumultueuse. Tous les coups portés à cette cohue de gentilshommes concourront à rendre au gouvernement la puissance qu’il exerçait sous le précédent règne et qui se perd de plus en plus. Il faudrait s’appuyer, pour combattre cette noblesse ingouvernable, sur l’ordre du clergé, qui a de grandes connaissances administratives et dont le roi dispose absolument par les évêques et par les abbés, qui la plupart aspirent, soit à l’épiscopat, soit à obtenir de plus gros bénéfices. Les députés des chapitres sont seuls indépendans, et ceux-ci pourraient être

  1. Lettres du maréchal de Montesquiou des 16, 19 et 22 novembre 1718. — Archiv. impér., carton H, 228 et 229.