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ne pouvaient être mesurées. M. de Coëtlogon se rendit à Rennes, où le pourvoi fut immédiatement enregistré. Ayant appris, durant son court séjour dans cette ville, que des ordres venaient d’être donnés par l’intendant afin de percevoir la capitation pour l’année 1718, quoique aucun vote des états n’en eût encore autorisé la levée, il requit de l’assemblée une défense formelle à tous les comptables de percevoir, sous peine de forfaiture, soit cet impôt, soit toute autre contribution qui n’aurait pas été régulièrement consentie.

L’acte courageux du procureur-syndic suscita chez le maréchal les plus vives anxiétés. Le refus de l’impôt avait été sa préoccupation constante depuis qu’il était chargé du gouvernement de la Bretagne. Cette crainte, qui seule l’avait déterminé à solliciter de la cour la reprise des états, lui inspira cette fois une conduite tout opposée. Il revint à ses instincts et se reprit à agir conformément à cette conviction, que la crainte était le seul ressort qui pût être utilement employé auprès du peuple breton. Dans la nuit du 17 au 18 août, M. de Coëtlogon et trois membres des états étaient appréhendés en pleine ville de Dinan par une escouade de maréchaussée, et conduits hors de la province. Peu de jours après, le parlement de Rennes était décimé à coups de lettres de cachet. Dans cette extrémité, le second ordre, encore que ses habitudes militaires l’eussent peu préparé à la pratique des vertus civiques, déploya des qualités remarquables. Il sut en effet, par un effort très opposé à son tempérament, revendiquer ses droits sans perdre vis-à-vis de la royauté l’attitude du plus profond respect.

Tandis que le vieux soldat ajoutait chaque jour de petites difficultés aux grandes, et qu’il blessait à la fois l’honneur et les convictions d’un peuple généreux, la noblesse, ayant enfin pleinement rallié à son opinion les deux autres ordres, associait plus étroitement chaque jour le parlement de la province à la cause des états, et adressait à Versailles un mémoire où l’évidence de son droit était rehaussée par la mesure avec laquelle elle le faisait valoir.


« Si, depuis la réunion volontaire de cette province à la couronne, disait-elle dans ces remontrances, rien n’a pu ébranler l’attachement et la fidélité inviolable de vos sujets de Bretagne pour la personne sacrée de votre majesté et des rois vos prédécesseurs, les états croient devoir vous représenter qu’ils n’ont rien fait dans la présente tenue qui puisse rendre suspects leur dévouement et leur soumission. Ils ont souvent oublié leurs intérêts les plus essentiels lorsqu’ils les ont crus opposés aux volontés de votre majesté; mais peut-on leur imputer à faute d’avoir voulu soutenir leurs droits contre des nouveautés qui détruisaient l’éco-