Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 73.djvu/405

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dès le début et sans débat, à deux conditions : la première, que cette noblesse sera pleinement rassurée sur le maintien des franchises et libertés de la Bretagne, qu’elle croit menacées; la seconde, que l’accès aux états sera interdit, au nom du roi, à une vingtaine de gentilshommes qui ont porté aux assises précédentes un esprit perturbateur, et que l’entrée de la province continuera d’être refusée à ceux qui furent exilés après l’assemblée de Dinan.

Cette politique réussit au début plus heureusement qu’on ne devait s’y attendre, l’opinion publique subordonnant alors toutes les questions à l’intérêt fondamental de la réunion des états. Le 5 mai, sur une lettre du garde des sceaux qui ne permettait plus de douter d’une prochaine convocation, le parlement de Rennes enregistra l’arrêt du conseil pour la levée provisoire des contributions non consenties, et le recouvrement de l’impôt, suspendu depuis trois mois, reprit son cours régulier. Quelques semaines plus tard, un édit royal instamment sollicité par M. de Montesquiou convoqua pour le 1er juillet les états de Bretagne à Dinan, afin d’y continuer leur session, forme qui impliquait une sorte de désaveu de la dissolution prononcée six mois auparavant. La Bretagne tout entière éprouva un juste sentiment d’orgueil : elle avait quelque droit d’être fière en effet, car le salut de ses institutions était sorti de son inébranlable fermeté; mais la crise, bien loin d’être terminée, allait, durant la seconde partie de cette tenue, entrer dans une phase plus redoutable.

Quatre cents gentilshommes assistaient à la séance de rentrée, tous persuadés que le sort de la liberté bretonne était suspendu à ces délibérations. Fidèle à l’accord tacite qu’avait fait accepter le commandant, la noblesse n’opposa aucune résistance à l’octroi du don gratuit réclamé par les commissaires dès l’ouverture, et le vote fut émis sans discussion à l’unanimité des trois ordres. Le lendemain, l’entente fut rompue par l’envoi d’une députation adressée au maréchal afin de réclamer pour tous les membres écartés des états le droit d’y venir prendre leur place, ce droit étant inhérent à leur naissance et ne pouvant leur être enlevé. De plus, les députés firent remarquer au maréchal que la plupart des gentilshommes écartés faisaient partie des commissions nommées au mois de décembre précédent, et que celles-ci ne pourraient continuer leurs travaux sans la présence de tous leurs membres. Un peu calmé par le vote du don gratuit, M. de Montesquiou accueillit sans trop d’humeur les délégués des trois ordres. Il répondit qu’en éloignant temporairement de l’assemblée un certain nombre de gentilshommes imprudens il avait agi dans l’intérêt de la province, et pour empêcher qu’on ne prît à Paris des résolutions qu’elle aurait pu regretter, ajoutant que, d’après le désir qu’en exprimaient mes-