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pect et votre soumission. Ce serait ignorer absolument vos premières obligations de mettre la moindre différence entre l’obéissance que vous devez à un roi mineur ou à un roi dans la fleur de son âge. Son altesse royale Mgr le régent ne souffrira pas qu’on donne nulle atteinte à l’autorité royale, tandis qu’elle sera entre ses mains. »


Après ce discours, prononcé du ton d’un instructeur commandant l’exercice, M. Feydeau de Brou, successeur de M. Ferrand dans l’intendance de la province, fit connaître aux trois ordres les intentions du roi dans une harangue où la maladresse l’emportait sur la violence, car dans les situations délicates rien ne réussit moins que les conseils donnés sous une forme comminatoire.


« Je ne rappellerai pas ici, messieurs, s’écria l’orateur après un doucereux exorde, les bruits fâcheux par lesquels on a tâché de vous noircir et qu’on voulait porter jusqu’au trône. Achevez par votre conduite d’effacer les idées que des esprits malintentionnés pourraient faire revivre. Il est de votre honneur, de votre devoir, de votre reconnaissance, de chercher toutes les voies pour satisfaire un roi si digne des efforts de votre zèle. Le prince qui est le soutien de ce jeune monarque et dont vous devez tout espérer vous demande-par ma bouche la somme de 2 millions en la manière accoutumée. Vous voyez que c’est sur le don gratuit le tiers moins que ce que vous avez coutume d’accorder... J’espère que vous ne me dédirez pas de ce que nous avons en quelque façon promis en votre nom. Que l’on sente à la cour que la manière avantageuse dont nous avons parlé de cette province est exactement vraie. Faites connaître par vos actions que votre soumission et votre attachement sont au-delà de ce que nous avons pu dire, et mettez-nous en état, M. le maréchal et moi, d’être toujours les médiateurs de vos intérêts[1]. »


L’intendant termine en requérant les états au nom du roi d’avoir à statuer immédiatement sur les demandes si modérées de sa majesté. MM. de Coëtlogon et de la Guibourgère, procureurs-généraux-syndics des états, répondirent aux deux harangues officielles par de chaleureuses protestations de dévouement, et annoncèrent que les trois ordres allaient délibérer, chacun dans sa chambre, sur les propositions qui leur étaient soumises. Le vote immédiat du don gratuit ou l’ajournement de ce vote jusqu’après l’examen de l’état de fonds, telle était donc la question constitutionnelle posée entre la couronne et le parlement breton. Le soir, la délibération commença, pour être reprise dans la matinée du lendemain, délibération fort animée, dont les dispositions de l’assemblée rendaient le résultat certain. Le clergé seul opina, selon sa coutume à peu près invaria-

  1. Registre des états de Dinan, 1717, et archives de l’empire, II, 224 et suiv.