Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 73.djvu/393

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pourquoi n’ont-ils pas ajouté : Les nerfs sont également les organes du mouvement ; or les végétaux n’ont pas de nerfs, donc ils ne sauraient se mouvoir ? Une éclatante réfutation de cet argument ressort du simple exposé des faits, et il faut avouer que la plante fait exactement comme ce philosophe bien connu qui, pour démontrer l’existence du mouvement, se mit à marcher : elle ne marche pas, mais elle se meut sur place. En définitive, pourquoi donc s’en étonner ? Ne se meuvent-ils pas aussi ces polypes divers, ces annélides, ces méduses, tous ces animaux gélatineux privés de système nerveux et de fibres musculaires, et jusqu’à ces infusoires dénués de tout organe, simples globules de matière homogène contenue dans une mince membrane élastique ? On est bien forcé de conclure que la faculté de se mouvoir est parfaitement indépendante de l’appareil nerveux, et, puisque les animaux inférieurs se meuvent, pourquoi ne se remueraient pas aussi les conferves, les oscillaires et puis au-delà, c’est-à-dire au-dessus, toutes les plantes vasculaires ? Ce qu’ils possèdent les uns et les autres, c’est la contractilité des tissus. La sensibilité végétale n’est ni l’irritabilité nerveuse ni l’irritabilité musculaire ; elle procède surtout de la contractilité cellulaire, et lui est peut-être entièrement identique.

Le mouvement est donc en résumé l’acte vital par excellence. Il n’a pour cause dans les plantes ni les lois mécaniques qui régissent la matière, ni l’impulsion d’une force extérieure. La vie ne dépend que d’elle-même, et il n’est pas jusqu’aux affinités chimiques qui ne soient comme transformées quand elles sont entraînées dans le cercle de sa puissante activité. Le mouvement, c’est la vibration de toutes les molécules de la matière que pénètre et qu’enfièvre la vie. C’est à ce point de vue que nous l’avons étudié dans le règne végétal. Malheureusement étudier n’est pas toujours comprendre. Autant les manifestations vitales se révèlent avec abondance, autant le ressort primordial se cache avec obstination. Les palpitations du tissu végétal, aussi mystérieuses que les contractions musculaires et que l’irritabilité nerveuse, demeurent cachées derrière un voile que nul homme encore n’a pu déchirer. Contentons-nous de savoir que toutes trois ont une même origine.

Cette conclusion peut nous aider à élucider une dernière question qui ressort directement de notre sujet, celle de la souffrance chez les végétaux. Ce problème, obscur sans doute, ne paraît point toutefois absolument insoluble. Des faits que nous avons rapportés, il résulte manifestement que la plante possède tous les symptômes de la vie. Naissance, accroissement par la nutrition et mort, tel est le cercle parcouru ; pourquoi donc en retrancher le phénomène le plus inséparable de la vie, la souffrance ? La santé de la plante im-