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vait voir sous l’écorce, sous l’épiderme et jusque dans les canaux les plus profonds la perpétuelle agitation qui y règne ! Les tissus, agités de spasmes contractiles, poussent les liquides de cellule eu cellule ; des corpuscules vitaux, animés de mouvemens spontanés, remplissent en nombre incalculable les fluides nourriciers et les sucs fécondateurs ; c’est partout le frémissement, partout la palpitation de l’être dont les organes solidaires vibrent à l’unisson, se répondent et collaborent à la même œuvre collective. Nous avons dit ailleurs[1] combien sont remarquables les mouvemens des végétaux élémentaires. Les conferves, les tremelles, les oscillaires, rampent, se balancent et impriment à leurs filamens des torsions spirales dont il est impossible de méconnaître le caractère spontané. Ce sont particulièrement les spores ou germes vivans des cryptogames qui révèlent au plus haut degré la motilité végétale. Spores et infusoires paraissent être animés d’une vie absolument identique. Les classificateurs, surpris, hésitent, confondent leurs séries et ne peuvent clore leurs cadres.

C’est dans les individualités supérieures que nous pourrons, après les mouvemens spontanés dont il vient d’être question, étudier les mouvemens accidentels qui se manifestent dans les feuilles de certaines plantes. La qualification d’accidentels montre déjà que ces mouvemens sont déterminés non par l’évolution de la végétation, mais par une cause étrangère, extérieure ; c’est sous la dénomination générale et un peu vague de retournement des feuilles qu’ils sont désignés en botanique. La situation des feuilles, sauf quelques exceptions fort rares, est déterminée d’une façon absolue. La face la plus lisse et la plus colorée est tournée vers le ciel, tandis que l’autre, plus pâle et généralement sillonnée de nervures, est tournée vers la terre. Telle est la loi à laquelle nulle feuille ne peut échapper. Aussi, qu’on essaie d’en déplacer une, et l’on verra au moyen de quels subterfuges elle s’efforcera de reprendre sa position normale. Elle s’incline, monte, s’abaisse et se tord jusqu’à extinction de force vitale, tant que la face supérieure est maintenue loin de la lumière. Voilà le phénomène dans sa simplicité originelle ; tout ne se borne pas cependant à ce mode de protestation. Ce n’est pas seulement pour se soustraire à une contrainte que s’agitent certaines feuilles, c’est d’une bien plus haute sensibilité qu’elles font preuve, et il suffit de citer les sensitives pour rappeler à l’esprit toute une série de faits bizarres. Les sensitives sont nombreuses[2], mais il en est particulièrement deux dont l’histoire

  1. Voyez, dans la Revue du 1er  avril 1867, les Algues.
  2. Les unes agitent leurs feuilles, telles que la mimosée pudique, la dionée, l’oxalis et l’averrhoa du Bengale ; d’autre » remuent leurs corolles ou telle partie de leur appareil floral, telles que l’ipomea, divers cactus, les cistes, les scabieuses, les centaurées et le vinettier ou épine-vinette, dont tout le monde connaît les étamines irritables. Il suffit de toucher l’une d’elles avec un corps léger pour la voir aussitôt s’appliquer contre le pistil.