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de la nuit, mats elles ne se réveillent pas le lendemain. Si devant la manifestation d’aussi remarquables phénomènes l’observateur le plus superficiel ne peut se défendre d’une certaine surprise, l’intérêt sera plus vif encore en présence de l’hedysarum girans ou sainfoin oscillant, découvert au Bengale à la fin du XVIIIe siècle. Ce n’est plus à telle ou telle heure de la journée que l’hedysarum entre en mouvement, c’est perpétuellement qu’il oscille, qu’il palpite. Chacune de ses feuilles, composée de trois folioles, possède en triple la faculté de se mouvoir. Tandis que la plus grande, c’est-à-dire celle du milieu, suivant les dégradations de la lumière solaire, s’incline jusqu’à s’appliquer contre la tige, les deux folioles latérales, petites ailes frémissantes, montent et descendent en se tordant sur le pédoncule qui les soutient, selon l’impulsion saccadée d’une incessante agitation. Après un repos d’une minute environ, chacune d’elles à tour de rôle parcourt le champ circulaire de sa course. Le mouvement ascensionnel est uniforme, mais la descente s’effectue par petites secousses, scandées parfois de seconde en seconde, si bien qu’il est tout naturellement venu à la pensée d’appeler le sainfoin oscillant une horloge végétale.

Comment expliquer ces mouvemens bizarres, continus et surtout indépendans les uns des autres ? Invoquera-t-on certains afflux intermittens de sève qui, selon quelques physiologistes, produiraient dans les vaisseaux de chaque feuille une alternative de turgescence et de vacuité ? Alors comment se fait-il que ces mouvemens se ralentissent et finissent par s’arrêter quelques jours après la floraison ? Cette suspension n’indique-t-elle pas que les mouvemens de l’hedysarum sont en raison directe de sa vie surabondante, et alors même que l’on consentirait à voir dans les afflux liquides la cause de la motilité de ses feuilles, ne serait-on pas contraint d’attribuer à quelque particularité vitale l’intermittence des sucs végétaux qui la déterminent ? Comment expliquer surtout avec cette hypothèse que, même sur des feuilles détachées de la plante, les oscillations persistent assez longtemps, pourvu que le pétiole demeure intact ?

Passons donc sans conclure, d’autant plus que voici la question qui s’élève et se complique encore. Il est si vrai que le mouvement est l’expression directe de la vie et qu’il lui est corrélatif en toute circonstance, que la plupart des végétaux manifestent des facultés de motilité correspondantes à l’énergie même de leur vitalité. C’est ainsi qu’ils s’agitent presque tous à l’époque fiévreuse de la fécondation. On a déjà vu plus haut, — à l’occasion du sommeil du lotus et des nénufars, — que les fleurs animées de mouvemens périodiques subissent comme les feuilles l’influence de certaines heures du jour. Les pédoncules s’abaissent et se relèvent, les co-