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indécis, le mouvement de courbure s’accélère progressivement. Telle plante qui ne faisait d’abord qu’un cercle en vingt-quatre heures finit par en effectuer quatre, six et jusqu’à huit par jour sous l’influence d’une température favorable. Il ne faut pas croire, malgré la facilité avec laquelle les plantes volubiles s’enroulent autour de la plupart des corps, que la nature, la couleur et la matière de ces derniers leur soient absolument indifférentes. Il y a des plantes qui ne s’attachent jamais autour de certaines autres, et la cuscute, petite parasite bien connue, a le soin de ne jamais s’accrocher à une tige qui ne serait point parfaitement vivante. Quant à la cause de cette torsion singulière, elle ne paraît tenir en aucune façon à la structure même des plantes qui en sont douées. Les tissus sont les mêmes ; bien plus, les tissus existent à peine que déjà se manifeste dans cette masse molle, aqueuse et presque fluide une force dont l’énergie lasse toute patience et résiste à tout obstacle. Ce que nous venons de dire des tiges volubiles s’applique exactement aux vrilles de certaines plantes. Ce sont de véritables pattes végétales facultatives qui, sachant qu’elles ont été créées pour rendre des services immédiats, cherchent, à peine nées, à utiliser les crampons dont elles sont pourvues, s’accrochent à tout ce qu’elles rencontrent et se laissent briser plutôt que de lâcher prise.


II.

Les mouvemens que nous avons étudiés jusqu’ici frappent peu parce qu’ils sont difficilement appréciables. Qu’une racine s’en aille aux provisions en dépit de tous les obstacles, qu’une tige opère les plus curieuses évolutions pour arriver à la lumière, qu’une plante volubile multiplie rapidement ses spirales, ou qu’une vrille fasse les tours de force les plus étranges pour chercher un point d’appui et s’y maintenir, voilà sans doute autant de phénomènes remarquables ; mais encore faut-il, pour les constater, des observations suivies et parfois même fort délicates. En voici d’autres bien plus frappans et qu’il est facile d’observer sans étude, sans le moindre appareil scientifique. Il s’agit du sommeil des plantes. Ce phénomène, connu dès la plus haute antiquité, doit à Linné le nom sous lequel il a été désigné depuis. Cette dénomination du reste est mal appropriée. Le mot de sommeil, qui entraîne avec lui l’idée d’un certain alanguissement, tout au moins d’un repos amené par le relâchement du système nerveux, ne devrait point s’appliquer à l’espèce de contraction des végétaux que l’on dit endormis[1].

  1. Les feuilles endormies ne présentent en effet aucune souplesse ; elles sont comme crispées, résistent au doigt qui les sollicite, et, quand on les écarte de la disposition qui caractérise ce prétendu sommeil, elles y reviennent comme poussées par un léger ressort.