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sus. Depuis la gélatine de l’algue élémentaire ou la matière fongueuse du champignon microscopique jusqu’aux muscles, jusqu’aux viscères les plus complexes, toujours reparaissent en combinaisons diverses la cellule, la fibre et le vaisseau. Il est vrai que, si les tissus sont partout à peu près identiques, il n’en est pas de même des organes qu’ils constituent. À la matière celluleuse du végétal, au cartilage du polype, comparez le cerveau de l’homme, et mesurez la distance ! Tandis que chez les premiers tout se borne aux seules fonctions de la vie matérielle, chez ce dernier les phénomènes de la vie physique se compliquent de sensations, de perceptions, de sentimens, de raisonnemens, d’idées, d’actes de volonté. Qu’on embrasse d’un coup d’œil cette gradation des êtres, et l’on verra la vie peu à peu se concentrer, se centraliser. Dans le minéral, rien qu’une surface rigide ; point d’organes, pas même une simple cavité dans la masse de la matière homogène. Dans le végétal, des organes, mais tous au dehors ; rien au cœur, pas même de centre, puisqu’une force véritablement centrifuge chasse à la surface toute manifestation de la vie : tiges, feuilles, fleurs et fruits, tout jaillit et s’étale. Dans l’animal enfin, c’est le centre que cherche la vie, ou plutôt c’est du centre même qu’elle s’épanche. C’est le cœur qu’elle anime le premier, le cœur qu’en dernier lieu elle abandonne. Du cœur et de la tête, appelés organes centraux, part une double ramification d’artères et de nerfs qui établissent entre toutes les parties du corps la solidarité la plus complète.

Certes la gradation est rapide, et c’est en décrivant deux courbes immenses que la vie monte du premier des règnes au troisième ; mais cependant combien la distance qui sépare le minéral de la plante paraît plus grande que celle qui s’étend de la plante à l’animal ! Quelque inférieure que paraisse à certains égards la vie végétale, elle n’est, toute proportion gardée et dans sa sphère propre, ni moins caractérisée, ni moins énergique que celle des sphères supérieures. S’il est un acte vital par excellence, c’est bien à coup sûr celui de l’assimilation, ou, en d’autres termes, l’élaboration du suc nourricier, à laquelle concourent chez les animaux la nutrition et la respiration. Eh bien ! que remarque-t-on de prime abord dans le végétal, sinon l’accomplissement continu de cette fonction de premier ordre ? À proprement parler, la plante n’est qu’un long tube digestif. Racines, tiges et feuilles s’associent et collaborent. Les matières, pompées par les premières et transmises par les secondes, sont rendues aptes par les dernières à devenir ces sucs nourriciers ou plastiques pour la préparation desquels l’animal de son côté met en réquisition ses organes les plus compliqués. Les feuilles de la plante, véritable appareil respiratoire, renouvellent