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cher de saisir dès sa première apparition. Les débuts en sont obscurs, si obscurs, que les physiologistes en multiplient sans mesure les définitions et les noms explicatifs[1]. Des procédés semblables ne font que reculer la difficulté. Mystère pour mystère, il vaut autant remonter dès l’abord jusqu’au premier et accepter la cause incompréhensible, mais seule efficiente, de tous les phénomènes dont nous allons parcourir l’instructive nomenclature.


I.

Une question se présente tout d’abord : que sont les corps organisés, et peut-on, d’après la composition immédiate qu’ils présentent, les distinguer nettement des corps inorganiques ? Ils offrent ceci de commun avec ces derniers, qu’ils résultent comme eux de la combinaison d’un petit nombre de substances élémentaires unies en proportions variables d’un corps à l’autre et définies pour chacun d’eux. Analysez un tissu végétal, du sucre, de la gomme ou de l’amidon, qu’en retirez-vous ? Du carbone, de l’oxygène et de l’hydrogène, trois élémens, parfois quatre, quand l’azote y figure aussi. Les corps vivans se distinguent toutefois, même au point de vue de la composition, de ceux qui sont privés de vie. Outre que ce sont toujours des composés ternaires ou quaternaires, ce qui n’est pas la règle générale dans le monde inorganique, on peut dire que les proportions dans lesquelles ces trois ou quatre corps simples s’associent pour les former présentent d’ordinaire des combinaisons plus compliquées que chez les minéraux ; mais c’est surtout par la nature de la force qui préside à l’agencement de leurs molécules que les êtres organiques l’emportent sur tous les autres. Cette force n’est point seulement l’affinité chimique, c’est encore une énergie vitale ou plastique en laquelle sont contenus tous les secrets de la création.

Énergie plastique, avons-nous dit ; c’est elle en effet qui détermine les formes dont la nature nous offre la collection inépuisable. De la méduse gélatineuse à l’hirondelle, de la plante la plus infime jusqu’à l’homme lui-même, le dernier terme des créations terrestres, quel cadre et quelles interminables séries ! L’unité cependant règne dans le monde des formes organiques, dont l’élément générateur est la ligne courbe souple et féconde, tandis qu’un autre type préside aux formations du monde inorganique. Là, tout est pauvre en combinaisons, raide, inflexible, glacé. Des lignes droites,

  1. C’est tantôt l’irritabilité de Glisson, tantôt l’animisme de Stahl, tantôt la sensibilité de Haller, l’incitabilité de Brown, l’excitabilité de Tiedemann, ou bien encore la force vitale de divers physiologistes.