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nie du Cap. Des Portugais, il ne saurait être question. Considérées comme une dépendance onéreuse par la mère-patrie, qui n’en a pas encore, après trois siècles d’occupation, su balancer le budget, gangrenées par l’esclavage, qui a désaffectionné les tribus riveraines, redoutées, peut-être à tort, par les émigrans, qui s’exagèrent l’insalubrité du climat, les colonies de Mozambique et de Benguela semblent plutôt rétrograder que s’étendre. Il n’y a tout au plus sous cette latitude que 500 lieues de l’Atlantique à la mer des Indes, et les limites intérieures des deux provinces ne sont pas séparées par la moitié de cette distance. L’exploration de la région intermédiaire eût été le premier souci d’une administration vigilante. L’influence du Portugal en Afrique s’arrête aux frontières des territoires qu’il possède, sinon en-deçà même de ces limites. Si cette nation aventureuse, dégagée des débats de sa politique intérieure, se livrait de nouveau aux entreprises lointaines qu’elle sut pratiquer jadis avec tant de succès, il lui reste un si grand nombre d’établissemens coloniaux à la surface du globe, qu’elle s’abstiendrait encore d’aller poursuivre au centre de l’Afrique des agrandissemens superflus.

L’Angleterre — est-il besoin de le dire? — est dans une situation tout autre. Les provinces du Cap et de Port-Natal ont une existence propre qui ne coûte rien à la métropole; l’industrie pastorale, qui réclame de vastes terrains, accélère la marche envahissante des colons. Quant aux indigènes, ils reculent vers l’intérieur, ou se laissent absorber par l’élément étranger, ou dépérissent au contact de mœurs nouvelles, qui les condamnent à de nouveaux besoins. Par ses missionnaires, par ses explorateurs, par les mâles chasseurs qui suivent les bêtes fauves au-delà des cantons habités, l’Angleterre se prépare à des conquêtes plus étendues vers l’intérieur. A la côte de Guinée, elle ne possède que des comptoirs; mais les voyageurs qu’elle a envoyés jusqu’au cœur du Soudan, plutôt pour ouvrir les voies au commerce que pour se livrer à des études scientifiques, accoutument peu à peu les nègres du centre à subir l’influence anglaise. L’Egypte lui échappe, si l’on veut; mais la Mer-Rouge est une des grandes voies de communication de l’empire britannique, et voici qu’elle pénètre en Abyssinie à la faveur d’un démêlé avec le souverain du pays. En résumé, nos voisins d’outre-Manche mordent au continent d’Afrique par tous les bouts; cependant leurs entreprises ont quelque chose d’incomplet en ce sens qu’elles s’adressent plutôt à la terre qu’à l’homme. L’Angleterre possède une aptitude merveilleuse à coloniser, mais c’est aux dépens des races aborigènes. On serait peut-être embarrassé de citer une de ses colonies où elle n’ait pas fait place