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ravanes de Ghadamès à Tombouctou et du Touat au lac Tchad ont conservé les usages, l’idiome, les traits de leurs congénères du Tell algérien. L’ethnologie a prouvé qu’ils sortent de la même souche que les Kabyles de l’Atlas, si ce n’est que ceux-ci ont subi plus fortement l’empreinte de l’invasion arabe qui a brisé, vers le XIe siècle de notre ère, les nationalités autochthones de l’Afrique septentrionale. Si l’on veut bien apprécier le rôle que les Touaregs jouent dans le nord du continent, il convient de comprendre en un tableau d’ensemble les diverses races dont le sol africain est aujourd’hui le domaine. Cette revue ethnographique est au reste le complément nécessaire d’une étude de géographie.


V.

Les géologues ont remarqué qu’au centre de l’Afrique les terrains primitifs apparaissent presque partout à la surface du sol, comme si cette contrée n’avait plus été immergée depuis qu’elle apparut pour la première fois au-dessus du niveau des mers. Les animaux qui l’habitent semblent également appartenir aux espèces contemporaines des révolutions du globe, car on n’en rencontre nulle part qui soient aussi bien doués sous le rapport du développement physique et de la longévité. L’hippopotame, le rhinocéros et même l’éléphant, bien supérieurs aux créatures éphémères des époques modernes, nous rappellent les monstres antédiluviens. Ce mérite d’une antiquité relative, que l’on ne saurait guère contester au sol et aux êtres du continent africain, peut-il être réclamé aussi par les misérables populations qu’il recèle? L’élément nègre y domine, comme on sait, et y paraît être autochthone. Sur les côtes, il s’est allié aux races blanches et a subi plus ou moins l’influence des peuples étrangers; mais au centre on peut l’étudier dans son état primitif de sauvage barbarie.

Laissés à eux-mêmes, les nègres s’éparpillent en tribus errantes. Soumis au contraire à des chefs d’une race plus éclairée, ce qui est le cas ordinaire, ils se groupent en petits états et deviennent des sujets obéissans sous un maître énergique, pourvu que celui-ci comprenne et partage leurs préjugés. Dans les royaumes nègres que les voyageurs européens ont visités, le pouvoir absolu se perpétue en des familles qui règnent par la terreur. Un despotisme sanguinaire est alors le régime normal de ces populations; la guerre y sévit sans cesse, sans prétexte, sans provocation, et la chasse aux esclaves en est le but avoué. Tel est l’état social dans lequel gémissent les tribus de la vallée du Haut-Nil. Après une bataille, le parti victorieux égorge les hommes faits; les femmes et