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sans nul doute à éclaircir cet intéressant problème. Déjà nos marins ont remonté le cours de l’Ogobaï et en ont relevé la carte avec la précision qu’ils ont coutume d’apporter en tous leurs travaux hydrographiques. Par malheur, ils n’ont pu le suivre bien loin à l’intérieur des terres, car la navigation est entravée par des rapides. Un explorateur volontaire. Du Chaillu, s’est signalé par des voyages réitérés dans cette même région, où il a découvert le gorille, ce singe fameux qui ressemble tant à l’homme; mais Du Chaillu allait à l’aventure, sans éclairer son itinéraire par des observations astronomiques. Il n’a fourni que de vagues renseignemens sur la topographie des pays qu’il a visités. Il paraît résulter de ses récits que, les marais du littoral une fois franchis, le sol se relève par étages successifs jusqu’à la hauteur d’un plateau central, ce qui s’accorderait bien avec l’idée générale que l’on se faisait déjà de l’intérieur du continent. Les indigènes parlent d’un grand lac situé à trois mois de marche de la côte, et qui serait en conséquence pour l’Afrique occidentale le pendant du lac Tanganika.

Précisons davantage ce qui manque à la géographie d’Afrique. Il y a dans chaque île et à plus forte raison dans chaque continent un point saillant qui est le nœud de l’île, du continent tout entier : c’est l’endroit où les eaux se partagent entre les divers bassins hydrographiques. Pour l’Europe occidentale, c’est le Mont-Blanc, dont les ravins envoient leurs eaux aux quatre principaux fleuves, le Rhin, le Rhône, le Danube et le Pô. En général ce point se distingue par une altitude supérieure, par l’entre-croisement des chaînes de montagnes; toutefois ce ne saurait être une condition absolue. Le nœud de l’Afrique doit être quelque part sur la ligne de partage entre le bassin du Nil et celui du lac Tanganika; mais il est impossible d’en déterminer la situation avec exactitude tant qu’on ignorera sous quelle longitude commencent les bassins des fleuves qui se déversent dans l’Atlantique. Le Congo et l’Ogobaï pénètrent-ils si loin à l’intérieur? N’y a-t-il pas plutôt des bassins lacustres encore inconnus entre ces fleuves et le Tanganika? Voilà la lacune qu’il faudrait combler, et c’est pour y parvenir qu’une expédition se dispose en ce moment à s’avancer au cœur de cette région. Un officier de l’armée française, M. Lesaint, s’est mis à la tête de cette entreprise; la société de géographie de Paris l’a prise sous son patronage; de nombreux souscripteurs, suivant l’exemple que l’Angleterre et l’Allemagne avaient déjà donné en des occasions analogues, en ont couvert la dépense. Le programme du voyage est de traverser l’Afrique dans toute sa largeur, entre l’équateur et le 10e degré de latitude sud, depuis la côte de Zanguebar jusqu’aux comptoirs du Gabon, et de relier ou compléter