Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 73.djvu/263

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et du choc de Mentana. Un silence de quelque temps, un oubli de parti-pris, seraient de la part des politiques italiens une attitude à la fois digne et prudente. La mauvaise humeur de l’Italie se comprend sans doute, et ce n’est point nous, qui regardons sa pétition contre le pouvoir temporel comme la cause du libéralisme dans tous les pays catholiques, ce n’est point nous qui blâmerons sa douleur ; mais il ne faut point s’abandonner au dépit et à la rancune et fermenter dans le ressentiment des fautes et de la chance mauvaise. C’est un malheur que les discussions du parlement n’aient point été plus sobres et plus sages, que M. Rattazzi soit venu embrouiller encore par la ruse et l’aigreur de ses discours une situation qu’il a tant compromise par ses actes, et que le gouvernement parlementaire italien n’ait point eu le bon esprit de donner à ses amis du dehors la consolation d’une majorité suffisante en faveur de ceux qui n’ont point refusé de tenir la barre dans la tempête. Il est à souhaiter que l’Italie change de marche pendant quelque temps ; ce serait bien le moins qu’elle ne compromît point sans retour et de gaîté de cœur son alliance avec la France, et qu’elle laissât le temps aux sympathies françaises qui l’ont soutenue de surmonter la réaction aveugle excitée chez nous par la tentative de Garibaldi. Le ministère Ménabréa a été obligé de donner sa démission par un vote maladroitement posé sur un ordre du jour qui devait inévitablement réunir contre lui ses ennemis de gauche et ses adversaires de droite. Le général Ménabréa parviendra-t-il à former un autre cabinet ? Trouvera-t-il dans les hommes qui sont à la tête des divers groupes parlementaires un concours suffisant pour qu’il puisse reprendre avec solidité l’action nécessaire du gouvernement au dehors et au dedans ? Le général Ménabréa n’a point l’air de se décourager. Il va même jusqu’à solliciter la coopération d’un homme énergique, M. Ponza di San-Martino, renommé autrefois pour sa capacité administrative, ancien conservateur devenu depuis le transfert de la capitale le chef d’une opposition piémontaise implacable contre les ministères florentins. Si M. Ménabréa réussit à composer un nouveau cabinet, si les passions excitées par la nouvelle intervention française dans l’état romain font mine de se calmer, les relations entre la France et l’Italie pourront se rétablir sur l’ancien pied amical, et, nous l’espérons, à l’avantage ultérieur de l’Italie. Pour parler familièrement, il faut, sinon dans les doctrines, du moins dans les faits, laisser sommeiller pendant quelque temps la question romaine. L’Italie ne manque point d’affaires financières et administratives qui exigent l’application d’organisateurs habiles et laborieux. Il y a aussi le champ des affaires européennes, où nous ne pensons point que la France refuse jamais la compagnie de l’Italie.

Après l’Italie, la principale cause d’inquiétude dans ces derniers jours est venue de l’Orient. Les informations arrivées de Serbie étaient mena-