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seur de la première couche stalagmitique, qui avait 2 centimètres d’épaisseur, et la nature des objets qu’elle contenait nous font remonter à 4,000 ans environ avant Jésus-Christ ; mais la seconde couche stalagmitique, ayant 91 centimètres d’épaisseur et s’étant formée à raison de 2mm, 5 par an, nous reporte au-delà de 364,000 ans, c’est-à-dire à la période glaciaire, dont le limon rouge de la caverne est un témoin. Ce limon recouvrait des os travaillés et des silex taillés mêlés aux débris de pachydermes fossiles. L’examen de cette seule caverne nous montre que l’homme existait probablement avant l’époque glaciaire, et que son antiquité remonte fort au-delà du terme que la tradition lui avait assigné.

Il y a trois ans, le Dr Busk et le regrettable paléontologiste Hugh Falconner fouillèrent les cavernes du rocher de Gibraltar et y firent d’intéressantes découvertes. Leurs recherches sont continuées par le capitaine Frédéric Brome, dont M. Busk communiqua une lettre à la section géologique de l’association. À l’entrée de la caverne de Martin, il a trouvé sous cinq ou six pieds de terre noire deux fragmens d’épées et un petit plat en cuivre émaillé représentant un oiseau entouré des replis d’un serpent. Dans l’épaisseur de la couche stalagmitique étaient enfouies des poteries grossières, des couteaux en silex, des os travaillés, des fragmens de bracelets et des débris d’animaux domestiques. La caverne du Figuier, située à 40 mètres environ au-dessus du niveau de la mer, renfermait un nombre considérable d’ossemens humains empâtés en partie dans la stalagmite et mêlés à des haches en pierre et des couteaux en silex de très petite dimension. Une ouverture faite dans le pavé stalagmitique conduisit dans une série de passages et de chambres aboutissant à une fente étroite. Le jeune fils du capitaine s’y glissa, et découvrit trois salles remplies de stalactites aux formes fantastiques et d’une éclatante blancheur. Sur les côtés se trouvaient des trous dans lesquels il jeta des pierres ; le bruit qu’elles firent en tombant lui apprit qu’elles plongeaient dans une nappe liquide. Si la montagne est creusée de réservoirs souterrains, la ville de Gibraltar, qui manque d’eau, en tirerait grand profit, et une recherche purement scientifique aura ainsi abouti, comme cela arrive si souvent, à une découverte utile. En attendant le rapport complet que M. Busk promet pour l’année prochaine sur les cavernes de Gibraltar, ce que l’on en sait déjà permet d’affirmer avec certitude qu’au midi de l’Espagne, comme en Angleterre et en France, les habitans primitifs de ces contrées si diverses avaient des antres pour demeures, fabriquaient des instrumens en pierre et en os, et se nourrissaient de la chair d’animaux dont quelques-uns ne font plus partie de la faune qui nous entoure.