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d’animaux perdus. Sur l’invitation de l’association, M. Penguelly continua ses recherches. Pour en faire mieux comprendre les résultats, une caisse cubique fut placée sur l’estrade : elle contenait des tiroirs superposés, et chacun de ces tiroirs représentait une des couches de la caverne. On sait en effet maintenant que ces antres ont successivement servi de demeure à des populations bien diverses depuis les hommes primitifs contemporains des éléphans et des rhinocéros jusqu’à l’époque romaine, et même, dans les Cévennes, jusqu’au XVIIe siècle, lorsque les protestans persécutés y cherchèrent un refuge contre les dragons de Louis XIV. Le terreau noir formant la couche la plus superficielle de la caverne de Kent contenait des fragmens de poteries grossières dont la pâte était mêlée de petits cailloux, de broches ou fuseaux en pierre, de fragmens écailleux de silex blanc et noir, un hameçon en bronze et une alêne fabriquée avec un os. Un instrument prismatique avec encoches équidistantes représentait probablement une mesure de longueur ; on déterra de plus deux peignes en os, une mâchoire d’homme et une portion de crâne humain. Ayant recueilli ces objets, les explorateurs de la caverne brisèrent les couches de stalagmite sous-jacentes au limon noir. Ces couches, qui forment le pavé des cavernes, s’accroissent avec une lenteur extrême : elles sont dues à l’évaporation des gouttes d’eau, qui laissent après elles une imperceptible pellicule de carbonate de chaux. L’épaisseur de ces couches constitue une véritable chronologie. Tout objet empâté dans la masse stalagmitique ou logé au-dessous d’elle remonte nécessairement à une époque antérieure à celle des traditions historiques les plus reculées. Le pavé calcaire de la caverne de Kent contenait des fragmens de charbon, des noyaux de fruits et des instrumens en silex. Au-dessous, dans un limon rouge, on découvrit des ossemens de bœuf, de cerf, de cheval, d’ours, de renard, du rhinocéros à narines cloisonnées et de la hyène des cavernes, deux animaux entièrement disparus. La coexistence de l’homme était attestée par des couteaux en silex, des instrumens tranchans et des harpons fabriqués avec des os dont quelques-uns étaient calcinés. Les instrumens en silex étaient au nombre de 310 ; il n’y avait point d’ossemens humains. La plupart des objets se trouvaient dans une grande chambre formant vestibule : c’est là que les habitans de la caverne cuisaient leurs alimens, tenaient leurs festins et taillaient leurs instrumens de pierre.

Un des explorateurs, M. Vivian, s’est livré à quelques calculs sur l’antiquité des débris recueillis dans la caverne de Torquay. Le limon noirâtre de la surface contient à la base des poteries romaines qui nous permettent de lui assigner 2,000 ans d’existence. L’épais-