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L’industrie du lin ne tire pas ses matières premières uniquement de l’Écosse : la Russie lui fournit un supplément considérable, et cette importation profite également à l’activité du port de Dundee. Les nombreuses tanneries de la ville contribuent au même résultat. M. Frank Henderson a informé la section de statistique de l’Association britannique qu’en 1866 8,046,258 peaux de bœufs, de chevaux, de moutons et de phoques avaient été importées en Grande-Bretagne, provenant de l’Amérique du Sud, des Indes orientales, du Cap, de l’Australie, de Terre-Neuve et du Groenland. Un grand nombre de ces peaux, représentant une valeur de 375,000 francs, sont apprêtées à Dundee. Outre le tannin emprunté aux arbres indigènes, les industrieux fabricans emploient celui de végétaux exotiques tels que le sumac du midi de l’Europe (Rhus coriaria), le chêne velani de l’Orient (Quercus œgilops), le gambir de l’Inde (Nauclea gambir), le libidis des Antilles (Cœsalpinia coriarià), plusieurs espèces de mimosas de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, et dans ces derniers temps le hemlock (Abies canadensis) du Canada et de la partie septentrionale des États-Unis. Je suis étonné de ne pas voir figurer parmi ces végétaux le redoul (Coriaria myrtifolia), arbrisseau à fruits vénéneux, mais riche en tannin et très répandu dans le midi de la France et le nord de l’Afrique. Achevons ce tableau abrégé des industries de Dundee en en mentionnant une qu’on ne s’attendrait pas à trouver en Écosse, et qui, plus que toute autre, a popularisé le nom de cette ville dans les trois royaumes et aux États-Unis : c’est une confiture d’oranges amères qui proviennent principalement des environs de Séville. Cette confiture, très aromatique et très agréable au goût, est connue dans tous les pays de langue anglaise sous le nom de Dundee marmalade. La production annuelle en est d’un million de kilogrammes, suivant l’estimation de M. Charles Maxwell. Cette fabrication, jointe à celle des fruits confits, nécessite l’emploi de deux millions de kilogrammes de sucre.

La prospérité industrielle dont nous venons d’esquisser le tableau devait créer une grande ville, et en effet Dundee en a tous les caractères : en Écosse, elle est au troisième rang, les deux premiers appartenant à Édimbourg et à Glasgow. Dundee occupe déjà sur le bord septentrional du golfe de Tay une longueur de 9 kilomètres ; quatre vastes docks et un port bordés de larges quais reçoivent ses navires. La ville s’élève au-dessus, en amphithéâtre sur une de ces terrasses, résultat du soulèvement des côtes écossaises pendant la période glaciaire ; elle est percée de grandes rues, compte plusieurs églises, dont l’une, celle de Sainte-Marie, est surmontée d’une tour dans le style gothique de l’époque de Richard II ; elle