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vement du pape précéderait ou suivrait l’incorporation des états de l’église à l’empire, le saint-père et son ministre avaient jugé prudent de faire préparer des copies différentes de la bulle rédigée par le cardinal di Pietro; les premières donnaient pour motif de l’excommunication la violation du palais apostolique et la déportation sacrilège du souverain pontife, les secondes sa simple déchéance comme souverain temporel. Pie VII avait signé de sa main les exemplaires de ces deux bulles. Ainsi tout était préparé pour tous les cas. Plus l’événement approchait, moins le saint-père faisait mystère de ses intentions. Le cardinal Pacca assure que la simple insinuation faite dans une note au général Lemarrois que Pie VII ne craindrait pas de recourir, a pour sauver les domaines de l’église, aux armes mises par la Providence entre ses mains, » avait été accueillie avec enthousiasme par les Romains. Un jour même, toujours d’après son ministre, Pie Vil aurait dit au trésorier du saint-siège : « Que les Français prennent garde à ce qu’ils font, je n’ai plus qu’à prendre la mèche et à mettre le feu à la mine. » Dans une audience accordée à Mgr Alliato, pro-auditeur de la cour de Rome, il avait ajouté peu de temps après : « Nous voyons bien que les Français veulent nous forcer à parler latin, eh bien! nous le ferons[1]. »

Si par ces menaces couvertes Pie VII avait espéré intimider le général Miollis, il n’y réussit point. Quelques retards avaient eu lieu dans l’exécution des ordres de l’empereur, mais ils tenaient uniquement à des mesures militaires relatives à la sûreté publique que la consulte extraordinaire, déjà secrètement réunie à Rome, avait jugé convenable de prendre : ce n’était là qu’un simple ajournement. L’ancien montagnard Salicetti, de longue date homme de confiance de Napoléon, chargé par lui de surveiller à Naples les velléités d’indépendance de son beau-frère, avait pris fort à cœur sa mission ; déjà il en avait combiné tous les détails sous les ordres de son supérieur hiérarchique, le général Miollis, homme de devoir avant tout, ancien républicain comme lui, mais beaucoup plus modéré et moins sensible que son impétueux collègue de la consulte au plaisir d’avoir à détrôner un pape. Le 10 juin 1809, tous les préparatifs étaient faits.

Dès le matin, raconte le cardinal Pacca, on vint lui annoncer que les partisans des Français avaient pris tout à coup un air triomphant et qu’ils allaient se vantant publiquement que c’en était désormais fini des protestations du pape. Dès lors le secrétaire d’état ne douta plus que le moment fatal ne fût arrivé. En effet, vers deux

  1. Œuvres complètes du cardinal Pacca, t. Ier , p. 111. — Les bulles d’excommunication, comme toutes les pièces émanant du saint-père en matière ecclésiastique, sont toujours écrites en latin.