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faire en pleine cour à l’ambassadeur autrichien à Paris, le prince de Metternich.

Cette prévision d’une lutte possible avec l’Autriche avait déterminé quelques mouvemens de troupes en Italie. Les provinces du midi et du centre avaient été dégarnies des corps détachés qui les occupaient, et le vice-roi avait été invité à les rapprocher autant que possible des rives de l’Adige et du sommet des montagnes du Tyrol. Un assez grand nombre d’officiers et de soldats placés à Rome et dans les environs, sous les ordres du général Miollis, avaient été également rappelés du côté de Milan. Le général Miollis, qui se sentait un peu faible et presque désarmé devant le nouveau ministre du saint-père, qu’il voyait animé de velléités de résistance auxquelles il ne s’attendait plus, s’imagina qu’il ne lui en coûterait pas un grand effort pour faire brusquement disparaître de la scène, comme précédemment la cardinal Gabrielli, ce secrétaire d’état qui avait le tort de se rendre si incommode. Le 6 septembre 1808, tandis qu’il traitait d’affaires avec un prélat romain, le cardinal Pacca vit entrer dans ses appartemens du Quirinal un major piémontais au service de la France accompagné d’un autre officier; ils venaient tous deux de la part du général Miollis lui intimer l’ordre de quitter Rome dans les vingt-quatre heures. Ces messieurs l’avertirent qu’il « trouverait à la porte Saint-Jean une escorte de dragons chargés de l’accompagner jusqu’à Bénévent, sa patrie. » Pacca n’était pas homme à se troubler pour si peu. Il répondit qu’il n’avait d’ordre à recevoir chez lui de qui que ce fût, et qu’il allait prendre ceux de son souverain. Le major piémontais lui dit alors qu’il ne sortirait pas de la pièce où il était, et que son compagnon était chargé de l’y garder à vue. Le secrétaire d’état demanda la permission d’écrire à sa sainteté, puisqu’on lui interdisait de se rendre en personne auprès d’elle. Le major piémontais y consentit, et, se retirant, laissa le cardinal Pacca sous la surveillance de son camarade. Quelques minutes après, pendant que le secrétaire d’état causait avec son gardien de choses indifférentes, la porte de son cabinet s’ouvrit avec fracas; c’était Pie VII qui entrait. « Je fus alors témoin, raconte Pacca, d’un phénomène dont j’avais entendu parler, l’horripilation. Dans un accès de puissante colère, il arrive parfois que les cheveux se hérissent et que la vue est entièrement troublée. L’excellent pontife était dans cet état, et, quoique je fusse vêtu en cardinal, il ne me reconnut pas. — Qui est là? s’écria-t-il d’une voix forte. — Je suis le cardinal, lui répondis-je en lui baisant la main. — Où est l’officier? reprit le saint-père, et je le lui montrai près de moi dans une attitude respectueuse. Alors le pape se tournant vers lui : — Allez, dit-il, annoncer à votre général que je suis las de souffrir tant d’insultes et d’outrages de la part d’un homme qui ose