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sonnelle vivement exprimée, triomphé des hésitations persistantes du chef et de la plupart des fonctionnaires de la secrétairerie d’état, qui s’étaient en vain appliqués à vaincre ses scrupules. « Ceux qui étaient parvenus à alarmer la conscience du saint-père sont demeurés les plus forts, disait le chargé d’affaires de France. La teneur de la réponse à l’ultimatum que j’ai été chargé de lui remettre a été changée deux fois ce matin, tant on balançait encore sur le parti qu’on avait à prendre. Les théologiens eux-mêmes étaient partagés jusque dans le sacré-collège, et je ne doute pas que le refus de sa sainteté de s’entendre avec l’empereur ne consterne le plus grand nombre de ses plus chauds partisans. »

Ce n’étaient pas seulement quelques-uns des membres du sacré-collège qui regrettaient tout bas le parti auquel s’était arrêté le saint-père; à Rome, le corps diplomatique presque entier ne semblait pas approuver beaucoup l’opposition de Pie VII aux volontés de Napoléon. La forme essentiellement dogmatique et religieuse qu’il venait de donner à sa résistance par la lettre récemment adressée aux évêques d’Italie soulevait nombre d’objections de la part des légations étrangères. Au fond, il déplaisait aux ministres de ces puissances qui avaient tant de fois cédé à l’empereur, qui s’étaient l’une après l’autre si complètement humiliées devant lui, que le premier exemple d’une plus fière attitude fût donné par le faible souverain d’un si petit état. La Prusse protestante et la Russie schismatique n’avaient pas grande sympathie pour les malheurs du chef de l’église catholique. Chose singulière, la froideur était presque égale chez les représentans des nations qui reconnaissaient la juridiction spirituelle du souverain pontife. A l’exception de l’ambassadeur d’Espagne, ils avaient tous reçu avec une sorte d’indifférence affectée la protestation de Pie VII contre l’annexion des Marches et de l’Ombrie, tant ils avaient eu peur de mécontenter le gouvernement français. Le ministre de la Bavière, qui avait si bien profité des dépouilles de l’Autriche après Austerlitz, ne semblait à aucun degré trouver mauvais que l’empereur s’adjugeât d’un trait de plume les plus belles provinces du saint-siège. Le croirait-on? le ministre de l’empereur François II, qui dès lors méditait pourtant de rompre avec Napoléon pendant qu’il était si malheureusement engagé dans les affaires d’Espagne, le chevalier de Lebzeltern, d’ordinaire si favorable aux intérêts de la cour de Rome, demeurait lui-même tout à fait impassible. Rendant compte en termes très circonspects au comte Stadion des violences que le commandant des troupes françaises multipliait chaque jour contre le pauvre pontife, il n’hésitait pas en revanche à blâmer très positivement les instructions envoyées aux évêques. « Je ne puis dissimuler, quel que soit le respect dont je suis pénétré pour cette cour, que la lettre cir-