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respecter et à défendre... Rome était donc en guerre avec la France, et dans cet état de choses sa majesté aurait à donner les ordres que la tranquillité de l’Italie rendrait nécessaires[1]. »


Les mesures auxquelles M. de Champagny faisait allusion étaient de différente nature. Les unes, exclusivement comminatoires et de pure forme, n’aggravaient en rien la situation actuelle du pape. Tel était par exemple l’ordre envoyé à M. Lefebvre de présenter au saint-père l’ultimatum dont nous venons de parler et l’invitation de quitter Rome après un certain délai, si cet ultimatum n’était pas accepté. Ce qui était infiniment plus grave, c’était un décret signé par l’empereur le matin même du jour où il montait en voiture pour se rendre à Bayonne, car, si ce décret ne changeait rien par lui-même à l’état présent des choses, les considérans très singuliers dont il était accompagné étaient de nature à donner beaucoup à réfléchir à la cour de Rome.


« Attendu, disait-il, que la donation de Charlemagne, notre illustre prédécesseur, des pays comprenant l’état du pape a été faite au profit de la chrétienté et non à l’avantage des ennemis de notre sainte religion; considérant que le souverain actuel de Rome a constamment refusé de faire la guerre aux Anglais et de se coaliser avec les rois d’Italie et de Naples pour la défense de la presqu’île d’Italie ; considérant que l’intérêt des deux royaumes et de l’armée d’Italie et de Naples exige que leur communication ne soit pas interrompue par une puissance ennemie; vu la demande de passeport faite le 8 mars par l’ambassadeur de la cour de Rome auprès de nous, avons décrété et décrétons ce qui suit: Article 1er. Les provinces d’Urbin, Ancône, Macerata et Camerino seront irrévocablement et à perpétuité unies à notre royaume d’Italie... — Article 3. Le code Napoléon y sera publié... — Art. 4. Lesdites provinces formeront trois départemens...[2]. »


Un second décret du même jour ordonnait aux cardinaux, prélats, officiers et employés quelconques auprès de la cour de Rome natifs du royaume d’Italie d’avoir à rentrer dans le royaume, sous peine de confiscation de leurs biens en cas de désobéissance. Ces mesures, qui témoignaient de la mauvaise humeur de l’empereur en face de la résistance inattendue de Pie VII, n’aggravaient pas d’une manière notable la malheureuse situation du saint-père; mais elles ne furent pas les seules. A Rome, le général Miollis, soit qu’il obéît à de secrètes instructions de M. de Champagny dont nous n’avons

  1. Lettre de l’empereur à M. de Champagny, 2 avril 1808. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XVI, p. 468. — Note de M. de Champagny au cardinal Caprara, 3 avril 1808.
  2. Décret impérial du 2 avril 1808.