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que le plus souvent on est obligé de briser ces dernières. Pour remédier à cet inconvénient, un médecin de l’île de Ré, M. Kemerer, a imaginé d’enduire les tuiles d’un mastic particulier qui, tout en durcissant dans l’eau, peut se détacher facilement au moyen d’un couteau.

Conformément aux propositions de M. Coste, le gouvernement décida l’établissement d’huîtrières artificielles dans la baie de Saint-Brieuc et dans celle d’Arcachon, lesquelles furent ensemencées par les soins du commissariat de la marine. Le projet du gouvernement était de créer des établissemens modèles dont l’exemple, pensait-il, engagerait les populations à marcher sur ses traces et à entreprendre sur une grande échelle l’exploitation du littoral. Quant au succès, il ne paraissait pas douteux, et en effet, si les espérances qu’on avait conçues ne se sont pas entièrement réalisées, du moins les résultats obtenus font-ils bien augurer de l’avenir. Les travaux entrepris dans la baie de Saint-Brieuc ont prouvé deux choses : d’abord que, même jetées au hasard, les huîtres donnent du naissain, puisque les fascines d’essai en étaient couvertes ; ensuite que, si on place les huîtres à une trop grande profondeur, les repeuplemens, soustraits à l’action de l’homme, rentrent dans les conditions des parcs naturels et sont soumis aux mêmes causes de ruine. Ces expériences ont été le point de départ de la culture au moyen de parcs émergens, et les efforts du gouvernement se sont dès lors concentrés dans la baie d’Arcachon. Les parcs qu’il y a créés sont au nombre de trois, couvrent une superficie de 25 hectares environ, et sont entretenus par des marins de l’état. Ils se composent de planchers collecteurs, élevés de 15 ou 20 centimètres au-dessus du sol, dont la surface inférieure est chargée de coquilles maintenues en place par une couche de brai, et présente ainsi au naissain de nombreux points d’attache. Indépendamment de ces planchers, on a disposé des fascines et des toits en tuiles destinés au même objet. Tous ces appareils, après chaque ponte, se garnissent d’une telle quantité d’huîtres qu’ils disparaissent sous la masse qui les recouvre ; mais il faut avoir soin de ne les disposer qu’au moment de la ponte, afin d’éviter qu’ils ne se garnissent d’herbes qui pourraient empêcher l’adhérence du naissain. Le détroquage se fait environ un an après la ponte. Ces parcs, dont la. dépense première a été très peu importante, renferment aujourd’hui 35 millions d’huîtres de toute grandeur, qui, au prix de 40 francs le mille, représentent un capital de 1,400,000 francs. Le rendement annuel est de 6 millions d’huîtres valant 240,000 francs.

Ces heureux résultats ont eu l’effet qu’on en attendait, et l’on vit bientôt les particuliers solliciter de l’administration de la marine